C'en est fini. Tamarin a retrouvé son maître. Celui-ci lui raconte sa traversée de la vallée des ombres, sa guérison et ses projets...
Je l'ai guidé vers la tombe où j'avais mes quartiers. Il a sursauté.
- "Nijinsky ! Tu m'attends devant sa tombe ! Si tu savais, pendant ma maladie, combien de fois j'ai pensé à la sculpture qui l'orne. Au premier abord, tu la trouves laide mais ensuite tu l'aimes car tu penses aux pages du Journal. Ce pauvre être que la maladie a tellement diminué et qui devient tout d'un coup, au détour d'une phrase, un jeune seigneur, retrouvant ainsi toute sa grandeur... "
Il s'était penché et regardait la tombe avec intensité. C'était comme si un fluide passait du danseur qui avait connu la gloire et dormait pour l'éternité sous sa dalle de marbre et mon jeune maître si éprouvé. Je ne sais qui donnait sa force à l'autre. Ça devait être Nijinsky qui nourrissait d'espoir ce jeune homme bond d'apparence fragile, que je chérissais tant.
On resta là un bon moment et il parla de la carrière du danseur. Oui, quelle gloire avait été la sienne et si jeune !
-"C'est très beau que tu m'aies attendu à cet endroit précis ! Ça montre à quel point tu es intelligent et as bonne mémoire ! C'est respectueux pour lui et merveilleux pour moi ! Je vois bien que tu as y passer du temps, ici, à m'attendre. Mais il a éclairé ta route et toi la sienne ! Et tu vois, je suis là, Tamarin !"
Puis il m'a dit que nous allions partir pour la Provence. Il avait fait ce qu'il fallait pour ouvrir une école de danse. Ce serait un succès, il en avait la certitude. Là-bas, nous serions heureux.
Jacquot est arrivé. Il avait compris. La passation s'est faite calmement. Je me frottais à mon maître et montrait à tous combien j'étais fier.
Quelques jours plus tard, nous traversions la France.
-"Nous allons à Aubagne. J'ai un monté un projet qui voit le jour et pour être sûr qu'il soit bien viable, j'ai pris une associée. Les locaux sont trouvés pour l'école et nous avons déjà des inscrits. En fait, tout se concrétise très vite. Dès le mois prochain, les cours commencent. Nous logeons dans une jolie maison avec un jardin et une grille. L'école est en face. Tu monteras la garde et tu nous verras au travail. Elle s'appelle Aurélie..."
Bon, ses yeux brillaient, alors, il devait bien l'aimer cette fille. Et puis, c'était une danseuse.
Les kilomètres se succédaient. Installé sur une couverture à l'arrière, je somnolais puis aboyais pour marquer ma joie. Mon jeune maître rieur me disait des paroles de tendresse.
Je pensais bien sûr aux appartements parisiens où nous avions vécu, à la jeune amoureuse éconduite, à l'amant vindicatif et à la troupe que mon maître avait dû abandonner à cause de sa maladie et bien sûr, j'avais un peu de nostalgie, surtout de la période où j'étais bébé chien ; mais qu'est-ce que ça pouvait faire !
L'amour d'un chien pour son maître est unique. Il y a des livres qui parlent très bien de cela. Moi, cet amour, je l'ai toujours vécu et jamais perdu et il est, maintenant, plus fort que jamais.
Vivement la Provence, la maison tranquille et les cours de danse !
France Elle.
Avril 2019