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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
29 décembre 2023

IL Y A LONGTEMPS QUE JE T'ATTENDS. CHAPITRE 3. Jacquot et Tamarin.

 petite vieille dame

Jacquot s'occupe du chien Tamarin qui erre dans le cimetière Montmartre. Mais l'hiver vient et il sait qu'il sera très dur...

«Grand Beau -Il m'appelait ainsi- tu es un chien très beau ! Un berger malinois pur race ! Je vois bien que toi, tu as été bien traité. Tu as avoir des papiers bien en règle et je mettais la main dessus, je te ferai adopter illico ! Seulement, je n'ai rien. Écoute, moi j'habite dans un petit appartement et tu n'y seras pas à ton aise. Ce que je te propose, c'est de te mettre en banlieue, chez ma mère, à Dugny. Elle a une petite maison avec un jardin. Elle n'est pas jeune mais elle est bien vaillante. Sa chatte Doucette vient de mourir. Attention, hein, ma mère, c'est une râleuse. Quand elle va te voir, elle va hurler que ce n'est pas possible ! Tu es trop grand, tu manges trop de viande ! Seulement, je vais payer ta pension. Alors là, mon grand, le tour est joué. T'inquiète ! Elle va te trouver charmant. Elle se sent un peu seule. Tu la défendras. Ce n'est pas une mauvaise femme. Je le sais car c'est ma mère ! »

C'était gentil, cette proposition mais ça me fendait le cœur parce que j'attendais mon maître, moi. Il aimait Paris. Il y était peut-être revenu et aurait seriné l'autre grande goule pour savoir ce qu'il avait fait de moi. Et il aurait su : le cimetière Montmartre ! Plusieurs heures par jour, je déambulais et je guettais. Je me disais que mon beau maître, même s'il me cherchait partout, il irait quand même voir les tombes de ceux qu'ils aimaient et donc ce seraient des danseurs ! Ça parlait dans tous les sens dans ce cimetière mais j'avais retenu certains noms : Valentin le Désossé, La Goulue, Gaëtan et Auguste Vestris, Ludmila Tchérina, Vaslav Nijinsky...C'étaient des danseurs mais moi, je ne faisais pas grande différence entre eux. Tutus, beaux habits à paillette et chaussons de danse pour tous, ce devait être ça, non ?  De toute façon, je gardais mes pensées pour moi. Qu'est-ce que j'aurais pu faire comprendre à Jacquot ? Ce type, il n'avait pas son pareil pour retrousser ses manches. Il nettoyait le tour des tombes, enlevant toutes les mauvaises herbes et les détritus et les tombes elles-mêmes. Il ne faisait pas de différence entre les célébrités et les autres.

des fleurs et une tombe

A ses yeux, un mort est un mort. Le traitement devait être égal. Il enlevait les fleurs fanées, redressait les vases tombés, nettoyait tout objet laissé là et enlevait la poussière. Quand il avait fini, il clignait des yeux. On voyait bien qu 'il était très content. Par conte, côté culture, il n'était pas très brillant. Il ignorait souvent qui était enterré là ou alors il fallait que ce fut Dalida ! Souvent, il se contentait de lire la pierre tombale et de faire une moue interrogative, surtout quand la tombe et la sculpture qui l'ornait étaient très photographiées.

«T'as vu, ça, Grand Beau ! Ce devait être une huile, celui-là ! Grand peintre, grand compositeur, chanteuse, cantatrice, homme de lettres, il n'y a que ça ici ! Enfin, pas vraiment mais c'est tout comme ! Bah, je m'en fiche un peu de leur célébrité mais pas de leur confort dans la mort. Là, ça me concerne ! Chacun son métier, non ? »

Avec de tels propos, il n'incitait pas à en savoir plus. Et quant à mes congénères les chiens, alors là...

Bref, j'ai tournicoté pendant des jours et des jours auprès des tombes de danseurs, ceux que j'ai nommés et quelques autres. L'été à passé puis l'automne et il n'est jamais venu, mon maître adoré.

 

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