Jeanne, la cousine de Louise, meurt dans les affres de la folie. Sentiment de culpabilité de Louise.
Jadis, elle avait été mariée mais son époux était mort si jeune qu'on ne le mentionnait même pas dans ma famille. Elle ne m'en avait, elle-même, jamais parlé. Elle devait être enterrée dans l'est de la France car il en était issu. J'avais trop de responsabilités familiales pour envisager un déplacement et pensais en rester là quand je reçus une lettre d'elle. Elle me mettait en garde contre les agissements d'Olga qui, après sa mort, chercherait à s'en prendre à quelqu'un. Elle savait que ce serait moi.
« J'ai lutté contre elle des mois et des mois. Je ne voulais pas lâcher car je lui occupais l'esprit. Elle était féroce, tu sais...Elle a réussi à me déranger l'esprit, à entrer en moi, à être moi ! Tu ne peux imaginer combien j'ai souffert, surtout quand on m'a internée. Ces médecins qui ne comprenaient rien ! Elle m'a usée et je m'en vais ! Fais ton possible pour la contrer. Si tu ne le fais pas, elle entrera en toi ! »
C'était la lettre d'une démente. Je ne la montrais à personne et la gardais pour moi. Je dois avouer que j'étais inquiète.
Deux ans après sa mort, alors que je travaillais toujours pour l'orchestre symphonique national de Lille, je fus prise d'insomnies ; il ne passa pas une nuit pendant deux mois environ sans que ne m'apparut le visage d'une jolie femme blonde aux yeux gris, vêtue comme avaient pu l'être les ballerines de Diaghilev, Pavlova par exemple...
La fatigue me gagna. Mon mari s'inquiéta et me fit voir un médecin. La saison musicale était bien avancée et nous avions les moyens d'un voyage. Cette suggestion du médecin nous fut d'un grand secours. Laissant nos enfants à nos familles respectives, nous partîmes Thierry et moi aux USA où, ma foi, nous fûmes ravis de passer d'un parc national à un autre. Je ne fis aucun cauchemar et me comportai comme une jeune femme responsable, saine et gaie.
Au retour, tout alla bien pendant un moment . Puis, au bout de six mois, Olga revint. Elle me raconta son enfance à Kiev, son départ à Saint-Pétersbourg, la vraie rencontre avec la danse. Elle avait travaillé dur. Une ballerine doit travailler dur.
Je résolus de faire confiance à mes proches. Mais quand je parlais d'elle à Thierry, ou à mes amies (évitant soigneusement d'informer mes parents et mes frères), je voyais l'inquiétude se peindre sur leurs visages. Je parlais d'un fantôme...
- «Oui, il y bien eu cette danseuse dans ta famille mais ça remonte à des années ! Tu déraisonnes ! C'est cette cousine qui est tombée malade nerveusement qui t'influence ! »