Extraits du Journal de Nijinsky.
"J'aime la lumière des étoiles qui scintillent ; il n'est pas une étoile qui ne brille pas ! Ma femme est une étoile qui ne scintille pas. J'ai remarqué que beaucoup de gens ne brillaient pas ; Je pleure quand je sens que quelqu'un ne scintille pas. Je sais ce qu'est la mort. La mort est la vie qui s'éteint. »
« Je ne cherchais pas, je n'avais pas de but si précis et je n'appelais pas la renommée. C'était ainsi. Je me sentais mal avec ces désirs-là ; parce que je ne me sentais pas bien avec eux, Diaghilev a remarqué que j'étais un homme ennuyeux, et donc il m'a laissé seul. Comme j'étais seul, je me suis masturbé et j'ai cherché à manger des tartes. J'aime tellement les tartes. Diaghilev pensait que je m'ennuyais mais ce n'était pas le cas du tout ! J'étais occupé avec la danse et avec les ballets que je composais moi-même. Il ne voulait pas que je fasse les choses par moi-même et j'ai dû aller contre son gré. »
« Je suis un homme mauvais. Je n'aime pas tout le monde. J'ai souvent souhaité du mal à tout le monde et le bien pour moi. Je suis un égoïste. Je ne suis pas Dieu. Je suis une bête, un prédateur. Je vais pratiquer la masturbation et le spiritualisme. Je vais manger tout ce que je peux attraper et je ne reculerai devant rien. Je vais faire l'amour à la mère de ma femme et avec mon enfant. Je vais pleurer, mais je vais faire tout ce que Dieu m'ordonne ... Je sais que beaucoup de filles et de femmes font l'amour avec des animaux ... Je sais qu'une fille qui s'appelle Louise fait ça ici, avec des chats ! Je sais que tout le monde fait ce genre de chose ... Je connais une famille hongroise où la fille a fait l'amour avec un gorille. «
« Je ne veu rien dir, par ce que tout le monde ici pensse que je sui un fou. je ne peu pas dir, par ce que on ne me comprendra pas. Je veu que tu vien ici plus vit possible, par ce que je devien très melencolic [...] Je ne sui pas un animale sovage. Je sui un homme avec le coeur. Je sui triste, que toutlemonde pensse que je voulu tue Romola. J'aime Romola plusse que toule mond. Je veu pour Romola bien. Je veu elle fair très heurese. J'ai donai a elle tout mon argent que je gagnée en americ du nord"... »
"Je sui mieux, mes je serai toutafai bien si nous seron ensemble. Je veux que Doctor Frenkel me soine. Je veux que tu, Oscar et Romola me cherch. Je veux être avec vous [...] Je fairai tous se que tu, Oscar et Romola veux. Je ne sui plu nerveux. Je veux être avec vous, mai pas seulle. Je sui triste si logtemt sent vous. Je veux que vous veniez avec premier trin me cherche [...] J'aime vous tous et je veux vous bien. J'aimerai danser en suise avent que vous parter"...
A Serge Diaghilev.
"Je suis un homme plein de raisons et plein de sentiments. Vous avez l'intelligence et n'éprouvez aucun sentiment. Vous êtes le Mal. Je suis le Bien. Vous n'écrivez pas , vous tele-écrivez. Vous êtes un télégramme, je suis une lettre. Vous êtes une machine. Je suis l'amour. »
Vous êtes un pic, je suis un pic... "
"A l'humanité :
Je suis boeuff mes pas biffstek ; Je suis stek sens boeuf en biff. Je suis biff mes pas un stek ! Je suis stek , je suis stek,Stek et stek ne pas un biff. Biff et biff ne pas un stek ! "
Erik ne se sentait pas révolté par de tels textes. Ils étaient ceux d'un homme épuisé et malade, certainement intelligent mais qui perdait « la raison ». Jamais il n'avait ressenti aussi fort le sens des mots. Perdre. La. Raison. Ça pouvait se mettre en équation avec devenir fou. Trouver. La. Folie. C'était ce qu'il voyait car le Danseur, il le savait, avait cherché à ce que rien ne lui échappe. Et tout était parti. Il n'avait trouvé que les ténèbres. Il devait être à bout nerveusement et sans cadres. L'Ecole impériale lui en avait donné un et même s'il était impitoyable, il l'avait maintenu debout. Les Ballets russes l'avaient mis au-devant de la scène et il avait brillé ; une fois qu'il en avait été exclu, il n'avait rien pu faire. Non qu'il ne fut un homme de projet mais tout était allé trop vite. Ses chorégraphies étaient mal comprises. N'ayant jamais eu à se préoccuper de rien, il lui était difficile d'avoir le sens des affaires et la guerre avait éclaté. Et il y avait le choc violent de la rupture avec Diaghilev et cette jeune épousée avec qui au début il communiquait par signes puisqu'il n'avait aucune langue commune. Il avait dû se sentir écrasé. A cause de la danse ? Pour la danse ? Erik ne savait pas répondre.