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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
17 décembre 2023

La Nuit de L'Envol. Partie 1. Musiciens et danseurs.

 

CELLLE QUI JOUE

Irène Diavelli a connu une enfance toute donnée à la musique puis une vie de pianiste de concert. Après un long silence, elle revient au piano.

A Cannes, elle habitait au bout d'une impasse, à quelques distances d'autres maisons. Personne ne l'avait jamais ennuyée car elle jouait du piano. Ayant décidé de se préparer pendant plusieurs semaines, elle s'immergea dans les Gymnopédies, les Gnossiennes, les Nocturnes et toutes sortes de petites pièces qu'il avait écrites et suspendit toute autre activité à l'exception des séances quotidiennes d'entraînement du petit groupe d'élèves prometteurs. Il lui fut dur souvent de s'arracher à son piano mais elle ne faillit jamais. La promesse de retrouver ces très jeunes danseurs à la barre ou se livrant à des exercices compliquées était un gage suffisant de bonheur pour qu'elle se déplaçât. Elle jouait pour eux tandis qu'ils travaillaient leurs arabesques, leurs entrechats et leurs pliés. Souvent repris par ceux qui les entraînaient et attendaient tant d'eux, les danseurs immobiles écoutaient les conseils donnés, le regard aux aguets et le corps tendu. Ils étaient magnifiques, tout entiers qu'ils étaient dans un présent qui l'instant d'après se serait évanoui puisqu'ils se seraient remis au travail. Irène était fascinée. Elle était aussi surprise de l'être. Elle avait choisi la musique pour qui le temps et l'espace sont plus abstraits, et moins demandé à son corps qu'ils ne le faisaient eux-mêmes. Pourtant, elle découvrait un lien. En s'élançant comme ils le faisaient, les danseurs s'inscrivaient dans un espace particulier entre le ciel et la terre. La musique s'élevait avec eux et suivait leurs retombées. La danse cessait avec l'intrusion du silence, là où la musique n'était plus. A partir de ce moment là, ils cessaient de faire partie du monde de la danse de la même façon qu'elle quittait la mise en lumière que représentait la musique quand elle cessait de jouer. Elle n'aurait pu dire qu'ils étaient de même bord mais elle comprenait que chacun de leur côté, avait mené une lutte sans merci pour dépasser un certain nombre d'obstacles techniques. Enfant, elle avait souffert dans ses apprentissages et jeune fille elle n'avait vécu qu'à travers la stricte discipline qu'un virtuose doit s'appliquer à lui-même. Elle voyait bien tout ce qu'ils avaient fait endurer à leur corps pour arriver à cette maîtrise. Ça avait été un travail solitaire et en cela leur trajectoire se rejoignait...

Irène avait suffisamment d'humour pour comprendre les limites de ce type de contradiction. Personne ne se soucie vraiment de l'apparence physique d'un virtuose même s'il gagne à être beau. Au contraire, le danseur classique est jugé sur ses compétences techniques et créatives mais celle-ci sont liées aux possibilités offertes par son corps qui a tout intérêt à être attractif. Il en va de même de son visage. Tout est donc question de sublimation et dans le domaine de la danse, un interprète au physique disgracieux a peu de chance de plaire à sa Muse...

En attendant, elle quittait ses heures de répétition solitaire pour cette belle salle de l'Académie Fontana rosa où en justaucorps, les jeunes danseurs s'entraînaient en lui envoyant de fulgurantes images de beauté. Et bientôt, elle serait prête.

 

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