BEAU ET ARBRE

De retour au Danemark, Erik Anderson, qui a triomphé à Londres, reçoit les critiques d'Irina Nieminem, la femmequi a fait de lui, le brillant danseur classique qu'il est devenu. Son pays lui semblant trop étroit, Erik signe un contrat avec le Nex York city ballet. Julian Barney, qu'il a connu à Londres,lui écrit beaucoup puis vient lui rendre visite. Enfin, il le séduit...

Il se concentra sur les lettres que Julian et lui échangeaient. Elles étaient pleines de vie. Il était un Américain bien né et les préjugés de nombreux Anglais à l'égard des États -Unis aiguisaient son ironie. Ces remarques pour drôles qu'elles fussent, étaient toujours pleines de vérité.

«On m'a encore demandé cette semaine pour la trentième fois depuis mon arrivée comment je pouvais me passer de hamburgers, et pour la vingtième pourquoi je n'avais pas perdu mon accent et adopté le vrai anglais. Dans les deux cas, j'ai rencontré la vraie bêtise. Que dire à ces gens qui boivent des litres de thé ? Mais, bref passons à la vie politique. Cette madame Thatcher est comment dire ? Incroyablement salubre pour certains et incroyablement dure pour d'autres.

Pour ma part, j'ai surtout vu la dureté mais son prédécesseur, John Callaghan était déprimant à plus d'un titre et l'Angleterre coulait. Tu n'as pas remarqué ça, toi, Erik. Les Danois, éperdument épris de leur reine, ne remarquent rien. Ils croient qu'elles sont toutes pareilles ! Mais moi qui suis un WASP, je sais voir les choses. L'ultralibéralisme comme l'a défendu cette femme, je n'en ai jamais vu une telle conception mais le fait est qu'elle redresse l'économie de son pays. Et crois-moi, je ne la défends pas en ce qui concerne les mouvements ouvriers qu'elle a cassés et ces grèves de la faim qu'elle a regardées sans clémence. Enfin, pense à la pauvre Angleterre et donne-moi ton sentiment !»

C'était un résumé des lettres de Julian. Quand celui-ci quitta Londres pour New, York, le ton changea et Erik en fut secrètement réjoui. Ils parlèrent de leur travail et de leurs aspirations. Julian avait beaucoup appris en Angleterre mais surtout, il avait obtenu ce qu'il voulait : un gros contrat à l'Opéra de New York pour lequel il avait auparavant travaillé ponctuellement. Il était fier de sa réussite et encourageait son ami à être ambitieux. Il existait, dans le monde, quelques très grandes compagnies. Discrètement aiguillonné par Irina et cet ami américain au charme persuasif, Erik décida de viser plus haut que le Ballet danois. Le hasard le servit magnifiquement. Le nouveau directeur artistique se trouvait bien connaître Peter Martins et il arrivait à ce dernier de revenir dans son Danemark natal. Comment des vidéos des spectacles où Erik brillait arrivèrent-elles à Martins et de quelle diplomatie Henning Kromstam dut- il faire preuve, il ne le sut jamais vraiment. Mais il rencontra à Copenhague le directeur du New York city Ballet et joua son va tout. Il fut question très vite d’un engagement d’un an. Erik fut ravi mais il ne dit rien d'abord à Julian. Leur ambition et leur sens de l'esthétisme les avaient fait se tendre l'un vers l'autre mais ils s'adressaient depuis quelques temps des appels plus intenses Julian évoquait sa jeunesse studieuse, son amour des arts et son indéfectible sens du travail en laissant affleurer son attente d'un amour. Erik disait ses projets : il lui rester tant de rôles à explorer ! Lui-aussi se montrait ouvert...L'un et l'autre étaient bouleversés par ces messages invisibles qu'ils s'envoyaient tout en restant en surface mi- rieurs, mi- sérieux ; aucun des deux n'était direct. Mais tout se précipitait…Il renoua avec Irina qui le couvrit de louanges. C’était bien l’engagement prestigieux qu'elle estimait nécessaire pour lui !

Quant à Julian, il fallait le prévenir mais Erik n’en eut pas le temps. Le décorateur annonça une visite impromptue au Danemark. D'ici peu, il serait dans l'avion. La teneur de sa missive était la suivante :

« Mon cher,

Je suis surpris de ton silence ! Deux ans au pays de la Petite sirène t'auront rendu bien trop secret. Mais ce que je dois savoir, je le sais : le New York City ballet ! Je suis fier de toi. C'est une des meilleures compagnies du monde. Je viens !

Ton dévoué,

Julian »