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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
12 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Kyra et les écrits d'Erik.

 

Parallèles :

Si j'en reviens à moi, je pense à mon adolescence et au Ballet royal danois. J'ai été très remarqué dès mon entrée et j'ai senti du dépit autour de moi. J’ai côtoyé au début des danseurs qui s'estimaient meilleurs que moi et ne me prenaient pas en considération mais j'ai vu ces mêmes danseurs pâlir. J’avais de très bonnes aptitudes mais ils les avaient aussi. On m’a donné des rôles qui auraient pu leur revenir. On parlait de mon charisme, de ma grâce. J’étais audacieux, aussi. Je me souviens d'un danseur blessé : on venait de lui retirer son rôle pour me le donner. Avoir un don met dans une position difficile. Il vous situe entre adoration et rejet. Il fait de vous un être dont on espère toujours qu'il décevra... J’ai reçu le regard des autres à Copenhague : Pourquoi toi ? Et à Londres, à New York aussi, je le sais, on m'en a voulu. Ceux qui étaient autour de moi dansaient parfaitement ; ils étaient légers et vifs, souples, contrôlés, composés. Mais « j’exploitais une force différente, intangible. C’était au-delà de la pensée, un élan violent et spirituel. » J’ai lu cela sur moi. Je ne l’aurais pas dit ainsi mais c’est vrai.  Je fais naître le bonheur mais aussi la frustration…

Cette frustration, Kyra l'a éprouvée d'autant plus durement que son père était Nijinsky. J’admire son courage. Elle a dansé tout de même, malgré et pour ce père dont tous connaissaient le nom. Et si moi, Erik, peux me targuer d'avoir reçu un don pour la danse, il ne lui est pas échu cette chance...

J'adore ce carnet : il est plein de textes mystiques, de petits poèmes et des textes recopiés : citations diverses et propos de son père. C'est un tout extravagant. Mais elle est là tout entière, Kyra et il faut considérer la lecture de ses écrits comme une offrande qu'elle fait d'elle-même et comme une clé qu'elle donne pour accéder au rêve de son père.

Son écriture est appliquée : grande et naïve. C’est un texte bien plus élaboré qu’il n'y paraît et beaucoup le critiqueront mais moi, je l'aime ;

Défendre. Insister. Admirer sans condition. »

 

Elle replia les feuillets et regarda fixement Erik. Massive, maladroite, hautaine, elle souriait malgré tout et ses grands yeux verts montraient la joie.

-Ce n’est pas approximatif, comme vous le pensez.

Elle était bien trop intelligente pour ne pas comprendre que son art faisait d’Erik un être singulier à qui il serait demandé beaucoup et elle lui renvoya avec douceur sa propre solitude.

-Le succès ne fait pas que tout est facile, n’est-ce pas ?

-Non, madame.

-Vous avez rencontré la Grâce, vous le savez ? C’est là chose exceptionnelle. Irina savait, cet Oleg aussi. Et moi, Kyra, maintenant je le découvre.

Il avait les larmes aux yeux.

-Soyez gentil : récitez ce grand monologue que je n’ai vu qu’en partie ; celui où vous récitez tous ces textes de mon père.

-Ici, dans ce restaurant ?

-Oui.

Il recula sa chaise et commença :

« La plupart des gens qui me connaissaient pensaient que j’étais incapable de m'intégrer socialement... »

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