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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
18 février 2024

Erik N / LE Danseur. Partie 4.

CEZANNE

Et puis, elle avait rencontré Julian et elle l’avait tout de suite craint. Dans sa générosité, Erik se moquait qu’elle soit issue d’un milieu simple, mais lui, non. Il la jaugeait…

-Alors, cette école ?

-Maintenant, ça va mais ça a été un très grand changement. J’apprends beaucoup et d’ailleurs, il faut que je vous remercie.

-Me remercier ? Ah, mes recommandations chez Browse et David ! Vous avez besoin de gagner quelque argent et ils vous passent commande. Des contes de fées, Tolkien, des rêveries adolescentes…

-A vrai dire, je ne souhaite pas passer ma vie en compagnie d’Elfes, de Trolls, de Hobbits et de Mages. J’aime peindre, faire des portraits surtout.

-Vous voulez faire carrière ?

-J’aimerais avoir un atelier en Californie.

-En Californie ? Erik vous suivrait ?

-Oui, pourquoi n’irait-il pas ? Vous le connaissiez avant moi, vous savez qu’il aime les défis !

-Oui, il les aime mais j’ignore s’ils sont si…géographiques. Il est à un pic de sa carrière. Il doit travailler beaucoup. Ce film est un pari, et, s’il le gagnait, sa notoriété pourrait croître encore !  Je suis très impatient et j’imagine qu’il doit lui tarder que le film sorte ! Mais parlant sa carrière, où en est la vôtre ?

-Elle n’a pas commencé ; il défend un univers qui lui est propre ; je m’apprête à défendre le mien.

-Oh vraiment ?

-Oui.

Julian lui avait adressé un sourire factice.

-Dans ce cas, cela n’en ira que mieux.      

De ce premier contact, elle avait perçu sa rouerie. Elle était très jolie, n’était pas stupide et de toute évidence, il faudrait faire attention à elle. Elle ne connaissait guère la danse classique mais elle aimait les arts. Lui régler son compte en la minimisant ne servirait à rien ; pas plus que d’estimer qu’elle n’était pas crédible en partenaire d’un tel danseur. Erik maîtrisait le jeu mondain et savait s’en amuser. Dans sa loge, l’attendaient de merveilleuses gerbes de fleurs. Il recevait des messages de félicitations qui émanaient de personnalités en vue : hommes politiques, artistes, industriels. Cela lui semblait naturel. Elle était loin de tout cela, mais il n’avait été, au début, qu’un enfant danois amoureux des étoiles. Il restait quelqu’un de simple. Là, elle avait un rôle à jouer…

En même temps, Chloe n’avait pu que reconnaître la prestance physique de Julian. Il avait un beau visage patricien, ses yeux marrons aux reflets verts avaient de l’éclat et sa bouche aux lèvres charnues avait quelque chose de sensuel. Il avait de belles mains soignées et un port de tête altier. Même pour une femme, il était attractif…

Comme à son habitude, Erik contourna les questions qu’elle tentait de lui poser. Il était tendre avec elle, très attentif et délicat. Il lui avait présenté ses amis, organisait des sorties avec eux et la choyait. Il lui achetait de jolis vêtements et de la lingerie fine. Il restait son amant et elle était ravie de ses assauts ; toutefois, ses inquiétudes demeuraient. Son amant était toujours en relation avec ce décorateur. Ils s’appelaient, se voyaient à l’occasion aussi. Que ce beau danseur fît tout pour elle, à New York, elle en était sûre, mais qu’il fût totalement à elle, elle doutait.

A peu de temps de là, Erik l’emmena à une fête mondaine. Elle avait fini par céder et le suivre.

-Que veux-tu que j'aille faire là-bas, Erik, voyons ?

-Tu n'as pas à reculer devant des gens nantis, Chloé et ça ne se passera pas forcément mal. Les Fincher connaissent tant de monde ! De nouvelles commandes...

-Bon. Il va faire l'intermédiaire ?

-Julian ? Il le ferait s’il était là mais je ne suis pas sûr qu’il vienne. Ah non, il m’a dit être engagé ailleurs ! C’est aussi bien, non ?

-Oui et non…

-Si !

Elle céda. Les Fincher habitaient Park Avenue et leur appartement était splendide. Lui était dans la haute finance et se piquait d'art. Il était collectionneur de tableaux et possédait quelques merveilles. Chloé vit les boiseries, le cristal, le cuir, les bois précieux, les tapis persans. Le salon était encombré de tables couvertes de nappes colorées et chargées de toute sorte de mets raffinés, des vins fins et du champagne. Les femmes avaient des vêtements Haute couture et les hommes des costumes impeccablement coupés. L'aisance était là, dans les coiffures, les montres luxueuses, la façon de se tenir, de parler. Erik présenta Chloé à ceux qui étaient là : directeur artistique de corps de ballet, danseurs, musiciens, notabilités, chanteurs lyriques, photographes connus, écrivains. Elle observa Erik qui allait et venait et se montrait affable, intelligent. On le flattait. Comme il l’avait dit, le décorateur et son soupirant étaient absents. Chloe était partiellement soulagée : pour l’affrontement, ce n’était que partie remise.

Elle continua d’étudier. Dans son école, on avait peu à peu cessé de l’ennuyer, de lui faire des remarques. Erik était venu plusieurs fois la chercher et le bruit avait couru. New York City ballet. Danseur étoile. Elle dormait souvent chez lui et adorait le faire. C’était si étonnant, ce loft. Les murs dépouillés, les meubles en bois clair, c'était le Danemark. Les objets et les tableaux, il avait couru les brocantes et les galeries noirs. Quant aux miroirs et à la barre, il les avait trouvés utiles. Les baies vitrées et les colonnes étaient déjà là.

Quand il s'asseyait près d'elle sur des coussins, qu'ils prenaient un thé, regardaient un livre d'art ou un film, il était parfaitement troublant. Cette façon de se tenir, jamais relâchée, la danse sans doute et cette gentillesse...Plus elle le voyait dans son univers, plus elle était sensible à la beauté de son corps et à l'harmonie qui s'en dégageait. Il offrait des profils purs, ses yeux bleus se teintaient de douceur quand il la regardait et il avait une façon à la fois discrète et racé de se vêtir, de respirer. Elle ne pouvait pas être sage car la sagesse ne s'accommode pas d'un amour si intense ; mais il était comme elle et ils se mettaient vite à s’étreindre et à se dire des mots d’amour. Malgré tout, elle était sur le qui-vive.

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