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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
18 février 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 4. Visite surprise. Julian et Chloe.

 

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Un jour, le téléphone sonna sans arrêt dans le vide ; à l’habitude, Chloe ne prenait pas les appels d’Erik puisque le répondeur le faisait pour lui. Il avait oublié de le mettre en marche : elle décrocha. C’était Julian.

-Bonjour ! Ah, c’est mademoiselle Farrell !

-Oui, Erik est absent.

-Ah je sais, mais j’ai ce qu’il lui faut ! C’est volumineux, je ne suis pas loin : pourrais-je déposer tout cela chez lui ?

-De quoi s’agit-il ?

-Vous verrez : c’est encombrant !

-Bon, venez.

Pleine d’appréhension, elle lui ouvrit. Il avait les bras chargés de paquets.

-Bonjour, mademoiselle.

Elle ne put cacher ni sa surprise et sa méfiance.

-Bonjour…

-Ah oui, il ne vous a pas dit. En fait, il m’a passé commande. J’apporte des costumes, des livres, des croquis. J’aurais bien attendu mais tout apporter aujourd’hui me débarrasse. J’étais dans les parages, alors…

-Il n’est pas là, je vous l’ai dit.

-Ah mais je savais que vous, vous y seriez.

-Vous voulez l’attendre ?

-Non, il est très occupé aujourd’hui. N’ayez pas peur. Je dois déballer tout ça. Vous auriez du café ?

-Je vais en faire.

Tandis qu’elle s’activait, elle l’entendit ouvrir ses cartons et déballer des costumes de théâtre qu’il installa sur des portants. Il posa sur une table basse quelques livres rares et un album photo et ajouta un carton à dessin. Quand elle revint avec le café, elle s’étonna.

-C’est magnifique !

-Ce sont des ratés, enfin je les prends pour tels ; des chanteurs et chanteuses d’opéra auraient dû les endosser mais je leur en ai créés d’autres. Je n’en faisais pas grand-chose mais il tient à les garder.

-Il a raison.

Le regard de Julian erra dans la pièce et s’arrêta soudain.

-Ce sont les portraits que vous avez faits de lui ?

-Oui.

-Ils ont des noms ?

-« Erik alangui » et « Erik rêveur. »

Il s’approcha et regarda avec attention un dessin puis l’autre.

-Vous avez des réserves ?

-Quelques-unes purement techniques mais pour ce qui est du fond, vous êtes adroite. Il est comme ça : on pense qu'il est en retrait...

Il se retourna vers elle et elle l’observa. Il était calme et bien plus séduisant qu'elle n'avait voulu le reconnaître. Tout lui en reflétait éducation et raffinement et son intelligence était extrême. Il devait être fascinant.

-Il y en a d’autres ?

-Oui, bien sûr.

Elle lui tendit un carnet de dessins. De trois quarts. Demi-sourire. Pensif. Un portrait en buste. Blond. Aérien.

-Donc ?

-C’est, euh, comment dire…

-Ah, vous n’aimez pas :  alors ne dites rien.

-Mais qui vous dit que je n’aime pas ?

Elle lui jeta un regard agacé dont il ne tint pas compte.

-Au fait, vous n’aviez pas fait quelque chose sur Jeux ?

-Ce n’est pas très bon, là non plus.

-Mais il le garde ici. Montrez-le-moi.

Elle alla le chercher. Il observa son travail et fut flatteur.

-Vous vous sous-estimez ! C'est plutôt réussi. Je sais être très moqueur car j'ai moi-même fait une très bonne école d'art et ai dû apprendre à dessiner disons honorablement. Je fréquente beaucoup d'artistes. Je ne vais vous dire que c'est miraculeux mais c'est plutôt bien.

Elle se surprit à vouloir lui plaire et risqua :

-J'ai mélangé les techniques et j'ai utilisé ...

-Je le sais, enfin, mademoiselle !

Elle se mordit les lèvres et alla chercher du café puisqu’il en voulait encore. Il s’était assis. Elle lui tendit une tasse. Il continuait de l’observer.

-Il ne faut prendre ce que je dis pour argent comptant, mademoiselle. Vous avez un don pour le dessin : vos éditeurs sont très contents. Et Erik a dû l’être aussi, même des dernières esquisses que vous m’avez montrées…

-Vous l’avez dessiné vous-aussi ?

-Oui. Il doit avoir rangé ça quelque part. Il ne vous a rien montré ?

-Non.

Elle se mordit les lèvres puis regarda l’album photo.

-Qu’est-ce que c’est ?

-Cela concerne les prochains ballets qu’il va interpréter. J’ai fait toute une recherche iconographique.

-Il appréciera.

-J’en suis certain.

Il s’approcha d’elle soudain.

-Vous êtes courageuse.

-J’essaie de l’être. En tout cas-là, je souhaite l’être car je veux vous parler. Je sais ce que vous pensez : un amour neuf, même vif, peut se défaire. Il suffit de bien s'y prendre. Vous êtes un homme fort et manipulateur qui devait obtenir de quiconque ce qu'il veut mais là, je vous frustre. Il y a eu quelque chose entre lui et vous mais maintenant, il est avec moi. Il faut faire front. Je ne vous laisserai pas faire. Je ne suis ni assez folle ni assez romanesque pour imaginer un mariage et une vie commune : il est si étrange ! Mais je me fixe des objectifs simples. Chaque jour, j’aime davantage le jeune homme et le danseur ! Je sais qu’on ne peut séparer l’un et l’autre. Il y a un carnet que lui a donné la fille de Nijinsky et des photos de ce danseur qu’il regarde tous les jours. Je lis le Journal de ce même danseur et je m’approche d’Erik.

Il lui lança un regard appuyé puis alla ouvrir un tiroir d’où il tira une chemise cartonnée.

-Ah voilà, c’est un portrait que j’ai fait de lui. Mais vous ne l’aviez pas vu ?

-Je ne fouille pas dans ses affaires.

Erik était nu et de face. Dessin au crayon. Un jeune dieu.

-Vous aimez ?

-Je ne sais pas ; vous, en tout cas, oui.

Il lui adressa un sourire rusé.

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