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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
18 février 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 4. Julian et Chloe. Assauts.

DE STAEL

-Et il y a des clichés aussi. Rob Williamson l’a pris en photo à San Francisco. Il est magnifique.

-Oui, ces photos-là, je les ai vues.

-Peut-être pas toutes…

-Je vous demande pardon ?

-Mais ne soyez pas si susceptible ! On a tous un jardin secret. D’ailleurs, pour tout vous dire, je ne fais que supposer moi-aussi. Williamson est un amoureux de la beauté masculine. Je suis sûr qu’Erik lui a acheté des photos de lui qu’il garde cachées. Mais enfin…

Elle se raidit. Il était insupportable.

-Mais enfin ?

Il lui montra un autre nu qu’il avait fait d’Erik et une photo de Williamson où le danseur posait, rayonnant, en chemise blanche.

-Williamson est un grand photographe.

Il la fixait.

-Vous saviez qu’il ne serait pas chez lui mais que moi, j’y serai. Alors, que voulez-vous ?

-Mais savoir où nous en sommes.

-Il vous a laissé tomber.

-Il vous a dit cela ?

-Oui.

-Je ne suis pas convaincu.

Elle se raidit.

-Vous ne voudriez pas partir ?

-Non.

-Vous êtes incroyable ! Il a choisi, non ? Manque de chance : ce n’est pas vous. Il n’a pas dit grand-chose sur ce qu’il a vécu avec vous mais vous vous êtes trompé sur toute la ligne : ce n’est pas facile à admettre pour quelqu’un à qui tout est dû !

Elle s’était laissé emporter et elle comprit soudain qu’elle faisait exactement ce qu’il voulait. Il la déstabilisait et elle jouait le jeu. Du reste, il eut un sourire froid.

-Dites-moi : c'est bien lui que vous voulez ? Regardez cette icône qui est lui : visage sculpté, pommettes hautes, front haut, yeux clairs qui paraissent pourtant plus foncés qu'en réalité, belle bouche aux lèvres amples et ourlées. Expression rêveuse mais décidée. Chemise blanche portée sans cravate, veste noire. Vêtements de haute couture. Il est idéal, non ?  Quelle chance, vous lui plaisez !

Et il ajouta, non sans ironie à l'égard de lui-même :

-On l'adore, hein, ce beau nordique au léger sourire. Cette promesse de réussite, ce rêve qu'il met à votre portée et assurément, cette classe, cette distance. Et bien entendu cette beauté à la fois lointaine et tangible. Bref, passeport accordé. Vous êtes aussi américaine que moi !

Elle fut déconcertée :

-Où voulez-vous en venir ?

-Nous le désirons, nous l'aimons.

-Et quelqu’un est de trop ?

-Il me semble.

-Vous pensez que c’est moi mais lui pense que c’est vous.

Son sourire devint plus incisif : il appréciait cette sortie.

-Pas mal dit mais faux. Erik est bien au-delà d'une image de papier glacé. J'en suis très conscient, vous non. Il est danseur et pas n'importe lequel. Je vous aurais abandonné un mannequin mais quelqu'un comme lui, certainement pas.

-Quoi ? Il est danseur classique, oui, je le sais.

-Et bien, rien que cela devrait vous éclairer…

-Que vous ayez cette proximité esthétique avec lui ne vous donne pas l'avantage. En quoi suis-je moins apte à être aimée que vous ?

Il devint glacial.

-Si de tels arguments étaient opérants, mademoiselle, la nature humaine serait plus simple. Que de psychologues et de psychanalystes au chômage !

Il se leva, agacé, puis alla et vint dans le loft.

-Au fait, sa chatte n’est pas là ?

-Elle dort dans la panière de la salle de bain.

-C’est charmant.

-Un détail vous échappe ?

-Lequel ?

-Mais son ambition…

Elle parut ne pas comprendre. Au New York City ballet, Erik était sous contrat et gagnait bien sa vie. Le film, s’il plaisait, lui ferait de la publicité. Il avait des projets. Son ambition, selon elle, était satisfaite.

-Vous ne comprenez pas ?

-Quoi ?

-Il lui faut de grands projets, des conseils, des avis, des financements aussi. Vous n’avez aucune prise en ce domaine, d’ailleurs il doit vous déconcerter avec tous ses idées ! Il va toujours de l’avant. Et justement, moi, je peux le suivre, l’accompagner, l’épauler…Alors ?

Elle se battit encore, argumenta, fut impérieuse et lui demanda de nouveau de partir, ce à quoi il s’opposa. Soudain, il l’intimida violemment. Erik ne lui avait pas tout dit. Ce Barney et lui avaient dû avoir une relation très forte. Elle connaissait le beau danseur depuis peu de temps encore. Leurs liens n’étaient pas encore solides. Elle s’assit et soupira, le visage caché par ses cheveux.

Julian marcha encore puis s’arrêta, impérieux.

-Je peux vous faire une demande ?

-Ça dépend…

-Vous le trompez ?

-Quoi !

-Vous êtes belle, californienne, il est très occupé…

Elle se leva d’un bond.

-Foutez le camp !

-Et lui, il est fidèle ?

-Il l’est. Maintenant, je vous somme de partir.

-Pas encore…

Hors d’elle, elle s’avança et le gifla. Il la poussa contre un mur, tira sur sa robe et en déchira le corsage. Ses seins apparurent.

-Vous me faites mal !

Il recula et mais resta menaçant. Elle avait peur de lui, allait parler.

-Ne vous inquiétez pas : il va rentrer, vous cajoler ; il vous fera rire.  Et il vous prendra. C’est appréciable. Et parce que ça l’est, vous lui direz juste que je suis passé et que vraiment, je ne suis pas commode. Je me suis montré cassant.

-Et violent.

Elle avait toujours peur mais se tenait droite.

-J’ai l’avantage.

Il la jaugea.

-Pour aujourd’hui, oui.

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