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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
20 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Chloé fait des portraits d'Erik.

 

-Voilà. Tu peux voir.

Il se leva cette fois. Elle avait posé les deux dessins sur la table. Elle se tenait debout.

-Comment s'appelle le premier ?

- « Erik rêveur. »

-Et l'autre ?

- « Danseur alangui. »

-Il manque une cravate ; et un changement dans les traits du visage. Ça me plaît.

-Pourquoi une cravate ?

-Ce pourrait être une affiche pour Jeux...Dans ce ballet, Nijinsky est en costume de tennis et il porte une cravate. Mais la chemise est un peu différente. Il en a relevé les manches. Mais ça pourrait être bien. Je pense au film, aussi.

-Alors, tu n'aimes pas ?

Elle était toute droite.

-Si, oh si. Je suis touché. Tu sais me voir. Cette façon que j'ai de rêver, ce visage si jeune que j’ai alors. A vrai dire, j'ai l'idée d'un troisième dessin : ce joueur de tennis entre les deux femmes. Aucun des trois ne touche terre. Ils sont en plein élan. Tu as du talent. Je suis sûre que tu pourrais faire cela. Je vais te donner des photos. Support de travail. Et...

-Et ?

Elle attendait manifestement qu'il devint tendre avec elle mais il parut réticent.

-Couche avec moi ! Erik, tu me rends folle !

Il lui adressa un sourire tendre.

-Tu es très volontaire !

-Mais tu ne veux pas ?

-Mais si !

Elle retira son corsage. Elle avait un buste fin, une peau claire et ses seins étaient restés aussi beaux. Elle lâcha ses cheveux. Elle attendit.

-Comme tu es jolie ! Si je ne te voyais plus, Je mettrais des mois à oublier tes seins, tes reins, tes odeurs corporelles. Si belle, si féminine. Ma belle, ma belle, ma si belle ! Ma chérie !

Elle fut suffoquée. Il l'assit sur la table avant de se déshabiller. Il fut aussi adroit et sexuel que la première fois. Habile et viril, il n'en finissait pas de la caresser et de l'embrasser et le laissait aller et venir en elle en espérant qu'il saurait durer pour mieux s'imprégner d'elle. Elle s'en voulut de jouir violemment et de crier alors qu'il était lui, discret. Elle le retint par les épaules pour qu'il ne sorte pas d'elle et se crispa si intimement qu'il en sourit. Quelle belle façon de le retenir ! Quand ils se rhabillèrent, l'émotion la terrassait. Elle ne savait pas que sa douceur le fascinait autant que sa façon d'être dans l'amour physique car elle pouvait aussi têtue qu'une enfant tout en ayant l'adresse d'une belle maîtresse. Il la prit dans ses bras et lui embrassa les paupières. Prenant cette marque de tendresse pour une condescendance déguisée, elle fit preuve d'une vindicte touchante.

-Je te capte quand je te dessine mais ensuite, tu n’es plus là.

-Je suis là.

-Quelqu’un d’autre est amoureux toi et te veut.

-Petite fille !

-Dis-moi qui sait.

-Personne.

De nouveau, ils firent l'amour. Il avait un corps racé et non parfait, un corps sans ego car fait pour l'humilité des entraînements quotidiens et les planches des théâtres mais elle n'en voyait que la magie. Allongé sur elle, il était lourd sans être massif et allait et venait en elle avec science. Elle jouissait.

-Je dois poser pour un troisième dessin de toute façon.

-Erik !

-Je t'adore vraiment. Je ne mens pas.

-Alors...

-Alors au travail !

Elle ne sortait pas indemne de cette relation. Tout allait très vite. Trop peut-être. Erik lui ayant donné quelques photos, elle travailla sur Jeux et tint secrète ses recherches. Elle voulait l’éblouir.

Dans le même temps, Erik, rassembla ses notes, les relia entre elles, fit d’autres recherches et constitua un tout. Il fit un envoi à Irina et un autre à Julian.

Chloé, absorbée par ses deux emplois, avait du mal avec sa troisième commande. L’un après l’autre, elle déchirait ses dessins. Erik restait immuablement tendre avec elle.

Kyra Nijinsky allait arriver. Un assistant irait la chercher, la mettrait dans l’avion, voyagerait avec elle puis la conduirait aux studios. La veille de son départ, Erik appela à Kyra. Elle avait peur. Erik pensa qu’elle n’avait plus en tête que le dernier film où on l’avait fait paraître. On ne l’y avait pas bien traitée. Tantôt, elle apparaissait sur une voiture de pompiers très vite entourée de petites ballerines qui la confondaient avec Isadora Duncan. Tantôt, elle était filmée en silence, revêtue d’étranges atours. Pour finir, elle poursuivrait Patrick Dupond sur scène, lui dansant merveilleusement et elle paraissant sans cohérence. Tout montrait qu’on ne lui faisait pas confiance alors qu’un récitant faisait défiler les textes du Journal et que des sommités débitaient des platitudes sur la danse classique et les Ballets russes. On la laissait dire qu’à la mort de Diaghilev, elle avait été ravie, qu’elle voulait que Venise coule et qu’elle mangeait des œufs tous les jours. Quelle dérision ! Il comprenait qu’elle fût fébrile.

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