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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
17 avril 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 2. Claire et son fils Erik.

 

Quand elle vit son loft, Claire fut surprise puis charmée : au fond, en utilisant les meubles en bois clair et en jouant sur la lumière, son fils n'était pas loin du Danemark. Elle adora la partie chambre, la partie living, la barre et les miroirs. Dans toutes les maisons, on mettait des cloisons et on créait des compartiments. Dans un espace comme celui-ci que créait Erik, on pouvait aller et venir et la lumière était là toujours, c'était bien. Des séparations factuelles étaient créées par des étagères, une draperie. On pouvait donc dormir et rêver sans crainte d'être observés. La ville, trépidante, s'entendait peu et le ciel, à cette hauteur, prenait le pouvoir.

- Il y a un ascenseur, normalement ?

-Oui et il fonctionne ! Sinon, ce serait le Royaume des cieux, ma chère maman !

Il lui dit de lui parler en danois tout autant qu'en français et elle le fit. Les inflexions du danois lui manquaient et sa nostalgie, qu'il ne définit pas vraiment, émut sa mère.

-Tu te souviens, ta méthode pour apprendre le danois quand tu es arrivée à Copenhague. Tu m'as lu les phrases... » Han er glad » pour « je suis content » et « han er amerikansk » pour « je suis américain ». C'est moi, maintenant : je vais devenir américain. Parle-moi, comme là-bas ! Je regrette le Danemark. Je voudrais être là-bas mais ici ma carrière, ici, est en plein essor !

-C’est très bien ! Tu as eu un tel acharnement !

-Tu viendras me voir. C'est une très belle salle. Y danser est un privilège !

-Oui, je viendrai et on ira partout !

Et ils furent contents. Claire, pendant les quatre semaines qu'elle resta, ne fut jamais pesante. Elle avait établi la liste de ce qu'elle voulait faire et s'y tint. Les amis d'Erik la trouvèrent charmante et ils la prirent en charge quand ils le purent. Erik visita Manhattan à pied avec elle et elle sembla curieuse de tout. Elle était saine, pensait Erik, saine et forte. En même temps, elle était directe. Un soir qu'il dînait ensemble dans l'appartement, un des soirs où il n'était pas sur scène, elle lui dit.

-Erik, tu sais, je n'ai jamais abordé avec toi ce genre de sujet mais je t'observe et je fais attention dans la rue où au restaurant à qui te regarde le plus. Tu attires les femmes mais je crois que tu aimes mieux les garçons, tu veux qu'on en parle ?

-Je ne suis pas sûr. Je veux dire : on peut en parler mais je ne te dirai rien de décisif.

-Tu peux être très amoureux d'une femme ?

-Oui, assurément. Tu sais bien, Sonia.

-Sonia n’est pas un bon exemple : elle t’utilisait. Mais tu as évoqué une femme anglaise ? Tu y as fait allusion.

-Jane Hopkins !  C'était très beau. C’est la femme idéale pour moi.

-Erik, ce genre de femmes ne permettent guère de construire une vraie relation.

-J’en construirai une plus tard avec une femme encore inconnue de moi !

-Excuse-moi d’être directe, mais les femmes t’attirent bien physiquement ?  Tu sais que ça compte…

-Mais oui ! Quelle est ta vraie question ?

-Les hommes t'attirent-ils plus que les femmes ?

-En ce moment, personne ne m'attire.

-Tu ne réponds pas.

-Si. Les hommes. Physiquement.

-Et les femmes ?

-J'aime tellement leur compagnie. Elles peuvent être douces et fortes en même temps. Elles sont préférables, en fait.

-C'est une belle façon de dire les choses. Dis-moi, ici, il y a eu beaucoup de « physiquement » ?

-J'ai arrêté.

-Ici, un homme t’a donné de l'affection ?

-Oui, il m'en a donné mais il n'y a pas de suite.

- Tu ne le vois plus ?

-Non.

-Tu voudrais quoi ?

-Mais tout !

-Oh, simplifie-toi ! On ne peut pas avoir tout le monde !

-Dans mon rêve, je rencontre une danseuse ici et je me marie. On a des enfants blonds.

-Et ta femme est américaine ?

-Pas forcément.

-La femme charmante et les enfants blonds te feraient-ils tirer un trait sur les garçons ?

-Oui, ce serait mieux.

-Ce serait mieux, en effet, mais tu n'en es pas sûr.

Claire regarda attentivement le beau visage de son fils puis elle dit :

-Tu sais, quand tu étais petit, tu rêvais tant et même quand la danse t'a pris et que tu as tant travaillé, tu as gardé cette part de rêve. Je ne devrais pas te dire ça mais c'est un côté de toi qui m'inquiète. Je ne sais si tu prends bien en compte les dangers qui peuvent t'entourer et les difficultés qui peuvent naître du fait qu'on n'affirme pas ses choix. Là, je ne te parle pas de tes choix professionnels mais de ta vie intime. Tu ne pourras vivre sans souffrir beaucoup dans une sorte d'entre-deux et quoi que tu en dises, Erik, tu louvoies. Il te faudra choisir. Quand bien même ta souffrance irait diminuant dans ce type de situation, parce que, malgré tout, tu t'en accommodes, ce sera l'autre qui sera accablé. Le comprends-tu ?

-Oui, certainement...

-Je t'en prie, ne te referme pas.

-Maman, on arrête cette discussion.

-Oui mais tiens compte de ce que je t'ai dit. Je ne parle pas en l'air. Maintenant, on va au Modern Art et à la Fondation Guggenheim. Je sens que je vais adorer et y retourner plusieurs fois avant de partir.

 

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