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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
15 avril 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 2. Une liaison secrète et inquiétante...

 

Depuis qu’il avait quitté Julian, Erik faisait preuve d’une extrême prudence et se maudissait d’avoir été aussi inconscient quand il était encore dans son appartement. Sain dans ses attitudes, régulier dans son mode de vie, il ne s’autorisait pas grand-chose mais, rieur et direct, Clive ne lui semblait pas dangereux. C’était un homme banal. Erik tergiversa encore quand il lui proposa une rencontre dans un lieu discret puis accepta.  Le studio appartenait à l’ami d’un ami et situé dans une rue perdue du Bronx, il n’attirait pas l’attention. Ils s’y déshabillèrent et s’étreignirent en silence, gémissant de temps en temps et soupirant. Quand ils eurent fait l’amour deux fois, Erik se laissa envahir par une sorte d’apaisement. Il n’avait pour intention d’avoir une liaison avec quelqu’un d’aussi terne et loin de son univers que ce Clive mais il savourait le fait de se laisser aller, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Le décor du studio était triste à force d’être banal, des affiches évoquant des stars américaines des années cinquante jouxtant de frêles étagères remplis de livres quelconques et des bouquets de fausses fleurs, mais en en ces instants-là, il lui plaisait. Toutefois, dans le temps même où, détendu, il restait allongé près de cet être sur lequel il savait très peu, il y eut une première anicroche.

-Tu fais comment ?

-Pour quoi ?

-Pour vivre ce que tu vis là. Tu as une femme et une fille.

-Ah oui…

-Comment ça, ah oui ?

-Enfin, je veux dire que je prends mes précautions et je suis sélectif aussi. Toi, tu me plais même si la réciproque n’est pas vraie.

-Qu’est-ce que tu en sais ?  Je ne me suis pas forcé pour venir ici.

Clive se leva brusquement du lit et se mit à rire vulgairement.

-Ce que j’en sais ? Bien plus que toi…

Déconcerté, Erik fut pour la première fois traversé par un soupçon. Et si ce Clive ne s’était trouvé sur sa route par hasard ? Troublé, il se leva lui-aussi et chercha ses vêtements.

-Qu’est-ce qui t’arrive ?

-Il faut que je passe chez moi avant d’aller au théâtre.

L’homme cependant secoua la tête.

-Non, tu ne sais pas qui je suis et tu n’as pas confiance. Je suis sûr que tu peux rester encore…

Il voyait juste car Erik resta, retrouvant son calme. Ils parlaient l’un avec l’autre quand le téléphone sonna dans le studio. Il fut surpris que son amant allât répondre. Ce fut une brève conversation. Quand ils se parlèrent de nouveau, Clive évoqua le propriétaire du studio.

-Tu lui plairais.

-Quoi ?

-Oui. C’est un bon copain et il a le sang chaud.

-En quoi, ça me concerne ?

-Tu prends mal une remarque de rien du tout ! Je me tais et on refait l’amour.

A la rencontre suivante, Erik se trouva face à face avec Tom, un italo-américain d’une quarantaine d’années, peu séduisant et peu souriant. Clive, qui n’avait plus du tout la même réserve, se montra direct :

-Tu sais, ne pas le remercier serait indélicat puisqu’il nous a laissé le champ libre.

 Erik eut un rire hautain. Il refusait encore de comprendre et argumenta. Il n’était pas d’accord.

-Il n’est pas question que je…

Clive eut ce même rire vulgaire qu’il avait eu, lors de leur première rencontre et Tom le regarda crûment, lui adressant une invite si crue et si directe qu’Erik tressaillit. Comme il se dirigeait vers la porte, la voix de l’italo-américain le rattrapa :

-C’est fermé. Tu ne pars pas. On va passer du bon temps.

Alors, tout devint clair. Il n’y avait aucun hasard. Sans qu’il sache comment il avait procédé, Julian s’était arrangé avec l’un et avec l’autre. Ils avaient dû se rencontrer. Stupéfait et meurtri, Erik lutta un moment contre lui-même.

-Ouvrez cette porte. On en reste là.

-Ne rends pas les choses difficiles. On a tout ce qu’il faut pour te satisfaire.

Le danseur ne sut pas pourquoi il abdiqua si vite mais il céda, sans qu’aucune violence ne fût nécessaire. Il laissa les deux hommes lui retirer ses vêtements, le caresser et l’exciter avant d’atteindre le plaisir. Ce fut long et assez vil. Puis, sans qu’aucune parole ne fût échangée, chacun se rhabilla. Tom partit le premier et Erik resta avec Clive.

-Tu connais un décorateur d’opéra, c’est cela…

-Qui te connaît aussi, oui.

-Dis-moi son nom.

Clive le lui donna.

-Pourquoi avoir accepté ce rôle ?

Clive lui jeta un regard ambigu mais ne dit rien.

-Et l’autre, le studio est à lui ?

-Non.

-Vous avez reçu une compensation ?

-Oui, c’était toi. Mais écoute…

-J’écoute quoi ?

-Je ne suis pas un mauvais type ; ton ancien ami, il m’a baratiné et donné de l’argent. Ce n’est pas reluisant, c’est clair mais quand je t’ai vu…

-Romantique en plus !

-Non, je me sens nul.

Erik eut un soupir irrité. L’instant d’après, ils étaient dans la rue et Erik se retrouva seul, son compagnon étant resté seul à l’étage.

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