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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
17 avril 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 2. Restaurant chic. Erik et sa mère. Réapparition de Barney.

 

 

A la fin du repas, Pierre Gagnier, le français qui essayait de lancer son restaurant vint saluer quelques personnes et s'approcha de la table d'Erik. Avec Claire, il parla français. Elle était radieuse d'autant que son fils recevait des compliments et celui-ci se dit qu'il était bon que la visite de sa mère se terminât ainsi. Cependant, alors que le chef changeait de table, Claire vit Erik pâlir et se retournant, elle vit s'avancer vers eux un homme assez grand, vêtu avec recherche et dont l'attitude était imposante. L'homme avait aux lèvres un léger sourire. Erik, manifestement pris de court, prit sur lui et tenta de rester calme tandis que l'homme prenait son temps pour observer sa mise et son attitude pleine de gêne. Il reconnaissait l'un des costumes qu'il avait offerts à son danseur et semblait apprécier qu'il le portât. Quand il parla, son ton fut mondain.

-Bonsoir, Erik, quelle bonne surprise ! Ça faisait un moment ! Je te vois sur scène très régulièrement mais il semble que nous n'allions plus aux mêmes soirées !

Erik réussit tout de même à rencontrer brièvement le regard de Julian et celui-ci le transperça. Il était mis à nu avec méthode. S'efforçant de rester calme, il sourit à sa mère :

-Maman, je te présente Julian Barney qui est un ami et aussi le décorateur attitré du Metropolitan.

-Ah, bonsoir, monsieur Barney. Nous avons tout de même eu des places pour Cosi Fan Tutte. J'ai adoré voir un tel spectacle dans une salle d'une telle réputation ! C'était excellent et vos décors sont gracieux !

-Madame, bonsoir. Je vois qu'Erik a une mère ravissante et pleine de classe et qui de plus parle un anglais parfait !  Vous êtes venue le voir ?

-Oui mais mon séjour s'achève. J'ai beaucoup aimé New York ! Il y a si longtemps que je n'y étais venue ! Et Erik habite tout en haut d'un immeuble ! C'est si singulier, toutes ces grandes baies vitrées ! On dirait qu'on habite dans le ciel !

-Merci pour vos compliments et pour cette ville. Quant au nouveau logement de votre fils, je ne le connais pas mais la description que vous en faites est intéressante !

-Mais vous êtes en relation. Certainement, vous aurez l'occasion de le voir !

-Espérons ! En tout cas, je suis enchanté de vous avoir rencontrée. Bonne fin de soirée et bien évidemment, de séjour. Je ne peux rester davantage. Je suis ici avec des amis et je dois les rejoindre. Au revoir madame.

Et regardant fixement le danseur, il ajouta sur le même ton mondain, un sourire de commande aux lèvres :

-Erik, à bientôt.

Le danseur avait détourné les yeux ne réussissant pas cette fois à soutenir le regard de Julian. Trop scruté, trop mis à nu, il n'en était pas capable. Quand ils burent leur café, le décorateur s'était éloigné. Erik vit bien que sa mère était embarrassée. Cet homme imposant, son fils. Il était des évidences... Elle eut cependant le tact de ne rien demander et le dîner se finit joyeusement. Julian avait eu le bon goût de choisir une table très éloignée de la leur et la disposition du restaurant était telle qu'ils ne se virent plus une fois installés. Quand Ils rentrèrent en voiture, sa mère parla des cadeaux qu'elle avait achetés pour sa famille et ses amis. Erik resta un interlocuteur bienveillant et tenta de donner le change mais une fois chez lui, alors que sa mère s'endormait, il ressentit une grande crainte. Il savait que derrière le masque mondain que leur avait présenté Julian, se cachait un désir de vengeance qui ne demandait qu'à se concrétiser.

Tôt ou tard, il serait convoqué et tôt ou tard, il serait contraint de quitter l'isolement heureux dans lequel il avait réussi à vivre pendant près d'un an. Son cœur se serra d'autant plus que, face à cette suite inéluctable, l’ambiguïté de ses attentes le terrassait. Allons, serait-il uniquement désagréable d'être humilié en retour par celui qu'il avait mis à terre ? A cette question, Il aurait aimé avoir la force de répondre oui, mais, il en était conscient, la réponse était en fait : « non, ce sera déroutant certainement, mais malgré la douleur, ce sera bon... »

Comme il était allé la chercher, il l'emmena à l'aéroport et, comme un clin d’œil, ils prirent un taxi. Sa mère se voulait gaie et encourageante et elle n'aborda aucun sujet fâcheux le dernier jour. Elle avait bien tenté de questionner sur Julian Barney mais il s'était contenté de dire que celui-ci l'ayant hébergé au départ s'était montré trop avide d'en faire son compagnon attitré. Cela ne suffisait pas, elle le sentait d'autant plus que cet Américain nanti et imposant avait déjà côtoyé son fils à Londres et qu'à l'époque, il le lui avait décrit comme un décorateur très brillant, venant d'une famille riche, soucieux de faire une pause en Angleterre mais surtout, la fête. Quelque chose ne collait pas...

Alors qu'elle se dirigeait vers la salle d'embarquement après l'avoir saluée, elle sembla prise de crainte et revenant rapidement vers son fils, elle l'enlaça.

-Erik, tu me promets que tu feras attention à toi ?

-Je te le promets.

-L'homme du restaurant et toi...

-C'est une histoire ancienne.

Il voyait bien qu'elle en était moins sûre que lui et qu'elle était frustrée qu'il ne lui ait rien dit de plus sur cet homme qui l'inquiétait. Comme il restait fermé, elle lui dit avec tendresse :

-Tu pourrais retravailler pour le Ballet Royal du Danemark, tu sais ?

-Je le sais, maman.

-Oh, je t'en prie. Souviens-toi de ce que je t'ai dit.

-Je me souviens, tout ira bien, maman. Bon voyage.

-Erik, attention à l'ombre. Elle peut être comme les vagues...

-Je suis résident ici et en règle. L'appartement sera à moi ; je prends soin de moi-même. Pas d'ombre ! Maman, bon voyage. Mor, god tur !

Elle le quitta.

Il partit à Saratoga pour la deuxième année consécutive et il y fut bien. Ensuite, il alla en Louisiane et au Mexique avec Jennifer. C'était une fille saine, active et qui parlait de tout. L'été fut beau.

 

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