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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Erik danse le Spectre de la rose.

Et elle se levait, il la conduisait. Elle était sur les pointes, lui, marchant près d'elle et ils dansaient ensemble mais peu de temps car ils en revenaient vite à des figures séparées, toutes jolies, toutes difficiles. Elle revenait à son fauteuil pour de nouveau s'assoupir et il venait la chercher encore. De nouveau, ces mouvements de buste et de bras et ces sourires ! Puis venait ce pas de deux célèbre dans le monde entier dont aucune reprise, si distante qu'elle se voulait de la création originale, ne pouvait faire l'économie tant il avait marqué l'histoire de la danse moderne. Ils se séparaient ensuite et il avait encore toutes sortes de figures en solo. Les sauts qu'il devait faire et qui avaient tant marqué les esprits devenaient nombreux. Il occupait toute la scène maintenant et dansait avec grâce. Il devait encore une fois revenir vers elle qui semblait le réclamer et le poursuivre et encore une fois, ils dansaient. Ils semblaient se saluer, se contempler, s'accompagner. Ils se penchaient l'un vers l'autre. Elle bondissait. Il la portait. Tous deux étaient aériens, tout en enroulement et déroulement. Puis, elle s'assit une dernière fois sur le fauteuil et brièvement, il s'agenouilla. Il ne s'agissait plus maintenant que de danser seul et c'était ces grands jetés qui étaient entrés dans l'histoire, l'ultime retour vers elle, son revirement vers la fenêtre, ce bras qu'il levait et ce grand saut vers l'infini...

 

Mon destin fut digne d’envie :

Pour avoir un trépas si beau,

Plus d’un aurait donné sa vie,

Car j’ai ta gorge pour tombeau,

Et sur l’albâtre où je repose

Un poète avec un baiser

Écrivit : « Ci-gît une rose

Que tous les rois vont jalouser »

 

Quand ils s'arrêtèrent, le silence était total et ils se regardèrent inquiets. Wedgwood, qui avait discrètement suivi le filmage, s’avança vers ses danseurs et tous les trois regardèrent Mills et l'équipe technique. Chacun d'eux savait ce qu'il avait fait mais Mills, quoique néophyte, avait ces exigences, qui étaient celles du film. Il fut clair. Il y avait longtemps qu’il voulait filmer quelque chose d'aussi beau et, en répétition, Erik et Adelia ne lui avaient pas semblé si bons. Cependant, il le leur avait déjà dit, il voulait avoir deux versions. Il verrait ce qu'il en ferait. Wegwood s'apprêta à conseiller ses danseurs et à tout recommencer après une pause qui était prévue. S’approchant d’Erik, il demeura saisi. Sur son visage, errait l'esprit de la rose, d'une manière si tendre et émouvante qu'il en fut touché. Il regarda ce visage maquillé, viril malgré les fards et rencontra son regard :

-Tu n'es pas encore parmi nous...

-Non, c'est vrai, pas encore...

-C'est le Carnet ?

-Le Carnet. Le Journal. Ses paroles. La danse...

-Et la Rose ?

-Je suis la Rose. Maintenant.

-Et tu ne peux me parler facilement...

-Non.

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