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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
5 mars 2024

Erik N / Le danseur. Partie trois. Séance de photo avec une célébrité.

 

Erik partit, déambula en ville toute la journée et alla au spectacle le soir. Il s’amusa. Au matin, il revint. Williamson était toujours aussi paradoxal ; terne physiquement et lumineux quand on croisait son regard.

-Servez-vous un verre et détendez-vous. Dans quinze minutes, venez au studio. J'ai un décor à créer. Il va de soi que ces prises de vue ne concernent que vous et moi.

-Il va de soi que oui.

Quand Erik revint, il vit un fond blanc, une banquette recouverte de velours grenat, une lampe élégante avec des pendentifs de cristal et un petit miroir. Tout était prêt pour régler les éclairages.

-Retirez vos vêtements. J'ai mis la climatisation. Vous risquez d'avoir un peu froid mais c'est voulu. Placez-vous devant le fond clair et regardez-moi dans le miroir...

Le regard de Rob Williamson restait celui d'un photographe. Il étudiait, calculait, cherchait. La nudité d'Erik était vue comme elle aurait pu l'être dans l'atelier d'un peintre ou d'un sculpteur, un maître exigeant et des élèves appliqués s'attachant à en rendre compte.

-On voit le danseur. Vous êtes très musclé. Vos cuisses sont fortes mais ça ne se déséquilibre pas l'ensemble. Vous êtes malgré tout fin et élancé. Je suppose qu'il ne vous est pas difficile de porter une danseuse mais la solidité chez vous n'est pas si massive. Vous avez un corps dressé à l'effort...

Comme Erik restait muet, il fit une première approche :

-Retournez-vous et allongez-vous. Appuyez-vous sur vos avant-bras et gardez la tête droite. Cambrez-vous. Écartez les jambes. Non, moins que cela.

Il fit ses premières photos. Erik se redressa mais resta de dos et cette fois à genoux. Il se retourna et s'allongea sur le dos. Rob le photographia en buste, son visage légèrement de côté, une belle expression lascive au visage et une main caressant un de ses mamelons ; le cliché suivant le voyait grave. Il le photographia en entier, hiératique et immobile puis plus excité. Enfin, il le fit asseoir de face, le buste droit, les épaules en arrière et les jambes croisées avec impudeur. Cette fois, la nudité du danseur était non seulement totale mais elle devenait provocante. Toujours grave et calculateur, Rob modifia éclairage et changea les objectifs de son appareil. Il photographia encore. Il fit des portraits de face et de profil, le cadra à nouveau en buste puis refit des photos de lui de dos.

-Je ne suis pas sûr d'avoir trouvé ce que je cherche de vous. Pour les portraits c'est facile. J'observe mon personnage et je le place dans un décor qui suggère un univers. Dans votre cas, je vous ai photographié dans ce qui semble être un salon élégant et j'ai ciblé les années quarante. Je vous ai dit de passer un crayon blanc sur votre paupière inférieure et de souligner le tout de khôl noir. Vous verrez, ça crée une différence. Là, j'ai cherché. Vous avez placé votre visage plus près ou plus loin de la lampe, vous avez tenu écarté ou on le miroir et vous vous y êtes contemplé. J'ai encore quelques photos à faire. Venez devant le fond noir. Asseyez-vous, tournez-moi le dos, regardez dans le grand miroir et passez un trait de khôl sous votre œil droit. Vous devez paraître concentré. Ne me regardez à aucun moment.

Ce furent les derniers clichés. Ils avaient peu parlé et à aucun moment Williamson n'avait abandonné son exquise politesse. Il finit par lui dire :

-C'est fini pour cette série.

-Je me rhabille ?

-Cela dépend. Si vous continuez, je vais vous en demander plus. Vous êtes désirable…Vous seriez d’accord ?

 

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