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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
25 janvier 2024

Erik/N. Le Danseur. Partie 5. Présent et futur.

 danseur N ET B

 

Erik voyagea en Italie et lança des bouteilles à la mer. San Francisco, Los Angeles, Toronto, Copenhague…Qui l’engagerait ? Qui lui ferait confiance ?

Katharina David l’invita à Denver, où elle vivait encore. A peine arrivé, le danseur constata, en vérifiant le compte bancaire qu’il avait encore aux USA qu’une grosse somme y avait été virée. C’était Julian. Erik, qui ne voyait pas pourquoi son ami avait eu ce geste, l’interrogea par téléphone. La réponse fut simple : « Tu monteras les trois ballets que Nijinsky, parce qu’il est tombé malade, n’a pu mener à bien ; et alors, tu n’auras plus besoin de chercher un financement.  Je ne veux pas que tu aies à vendre les photos de Nijinsky sous couvert que les obstacles sont trop nombreux. » Le danseur ne rétorqua rien. Nulle polémique n’était nécessaire. A Denver, Katharina continua de l’intéresser. Ils s’observèrent l’un l’autre. Ils commençaient à tomber amoureux, mais ils étaient prudents, voulant d’abord mieux se connaître. Le Colorado enchanta Erik. Les excursions étaient multiples. Cette femme était paisible au fond d’elle-même comme si les chocs qu’elle avait subis l’avaient rendu plus forte : cela l’émouvait. Et pour lui, elle était confiante. Il ne perdrait pas sa fille de vue, et sa carrière encore moins.

Dans les temps qui suivirent, Erik comprit qu’au fond, il était heureux de sa séparation d’avec Julian. Il avait eu du flair : c’était le moment juste. Julian avait encore beaucoup d’énergie : la compagnie resterait solide. Et puis, ils n’auraient pas à se déchirer indéfiniment parce que la peur de ne pas retrouver de compagnon stable les riverait encore l’un à l’autre. L’américain, quant à lui s’aperçut qu’il ressentait bien moins de tristesse que prévu. Leur histoire d’amour était finie, voilà tout. Le danseur, qu’il avait rencontré quand il avait vingt-deux ans, aurait occupé dix- huit ans de sa vie car même quand ils n’avaient pas de liaison, il était resté rivé à lui. Les difficultés n’avaient pas manqué mais leur amour avait été marquant. Des années plus tard, il en serait encore fier. Et puis, ils ne se quittaient pas parce qu’ils s’exaspéraient.

Vera Luciano eut du succès.  Le film se promena dans les festivals. De retour aux Usa pour présenter le film, Erik vit sa fille à plusieurs reprises et à chaque fois, il se sentit interpellé. Comment faire s’il allait au Danemark ? Il ne la verrait jamais ! Mais il décida de tout laisser aller. Comme le lui chuchotait Katharina, les réponses viendraient d’elles-mêmes. Trouvant que sa relation à Nijinsky était devenue trop évanescente, il se remit à construire ces ballets que le grand danseur russe n’avait pu mener à leur terme. Tout s’agençait bien. Il pensa même à une version personnelle du Sacre du printemps.

Plus tard, il serait à Copenhague ou à Berlin, serait directeur de la danse ou chorégraphe principal pour une prestigieuse compagnie. A moins qu’il n’ait l’audace d’en créer une et qu’il parvienne à l’imposer. Plus tard, il s’apaiserait auprès de Katharina David. Plus tard, il constaterait que Julian avait continué des années durant de tenir les rênes d’une compagnie qui avait toujours le vent en poupe mais qu’il avait dû passer la main. Des ennuis de santé le contraindrait à mener une vie bien plus calme et il retournerait à son goût pour les beaux-arts, écrirait sur des peintres. Erik et lui reverraient à plusieurs occasions. A chacune d’elles, Julian sentirait revivre en lui cet amour si vif qui l’avait rendu cruel parfois mais si volontaire et créatif à d’autres et Erik, lui, comprendrait que l’amour contrasté qu’il avait éprouvé pour cet homme s’était muet en grande tendresse.

Mais pour l’instant, il fallait vivre l’instant. En Italie, en Grèce, en Irlande, il emplit ses yeux de beauté. Il lut, réfléchit et se laissa aller. Un ciel bleu, une vue magnifique : tout portait au bonheur.

Et puis, à Copenhague, un jour, alors qu’Eva était en vacances dans sa famille, il se sentit prêt.

Le dialogue qu’il avait postposé avec Nijinsky pouvait s’ouvrir.

-Penses-tu m’avoir bien servi, Erik Anderson ?

-Oui, je le crois mais ça a été épisodique. Tu m’as fasciné très jeune…

-Parce qu’enfant tu as vu un documentaire sur moi ? Tu étais en famille à Copenhague.

-J’ai été troublé mais cela n’a pas duré. Il a fallu l’adolescence, Oleg, Irina, leur autorité, leur prestance. Ils avaient le culte des Ballets russes. Là, tu es revenu en force. Je ne pourrais contourner tes rôles, tes chorégraphies, tes dessins, tes mots…

 

 

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