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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
26 janvier 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 4. Ceux qui sont quittés.

NOSTALGIE

Restait Williamson dont Erik ne retrouvait pas la trace. Mills finit par l’informer :

-Il y a quelques années, il a fait une crise cardiaque, a eu peur, a tout vendu ici et s’est installé quelque part dans une de ces villes qui jouxtent le désert. Il est très dépressif à ce que j’ai compris. Ne le plains pas : il n’est pas pauvre ; il a vendu des centaines et des centaines d’albums photos, exposé un peu partout. Ceci dit, je doute qu’on le revoie dans les parages.

-Curieux. Triste un peu aussi.

Le tournage terminé, Erik revint à New York pour y régler ce qui devait l’être. Julian, qui avait tout de même compris que son danseur allait s’envoler, joua ses dernières cartes.

-Tu es respecté comme chorégraphe à New York ; quand bien même tu livrerais un ballet par an, cela suffirait.

-Six ans au New York City ballet et quatre ans avec toi…J’ai quarante ans : tu le sais, je le sais.

-Je te parle de chorégraphie, pas de danse.

-Tu es courtois ! C’est bien que je parte.

-Double départ.

Erik fit comme il avait dit. Il liquida tout à New York, libérant son appartement, vendant ses meubles, vidant sa loge. Il assista à divers dîners d’adieu, se montra sur scène pour saluer le public et lui dire au revoir lors d’une reprise de Shéhérazade et vit Julian plusieurs fois.

-Où vas-tu ?

-En Europe pour m’amuser. Je veux aller en Italie. En Californie, pour Eva et ensuite…

-Le Ballet royal de Copenhague ?

-Oui, je pourrais. Ce serait un retour aux sources.

-Je suis sûr que tu sauras tracer ta route.

Mais la sienne, saurait-il la maintenir ? Julian avait le sentiment que des morceaux entiers de lui-même tombaient. Une dernière fois, il reçut Erik chez lui.

-Champagne ?

-Bien sûr.

-Alors, tu pars ! Nous aurons beaucoup lutté l’un avec l’autre, Erik, n’est-ce pas ?

-C’est certain.

-Mais il y aura eu aussi des moments merveilleux, des moments d’une grande intensité. Tu te souviens : l’Angleterre quand on riait ensemble, New York quand tu es arrivé et ensuite quand, après tant de disputes et d’incompréhension, nous sommes rejoints. Et il y a eu Copenhague aussi, et Berlin et tous ces endroits magnifiques que nous avons vus ensemble, ici aux Etats Unis ou ailleurs. J’ai été dur avec ceux ou celles qui s’approchaient trop près de toi, elle surtout, la jeune fille. Mais je t’ai beaucoup aimé, tu le sais.

-Moi-aussi, très vite. Je t’ai rejeté et puis non. Je t’ai rejoint.

-Et il y a eu ces ballets, tous ces ballets ! Tu nous fascinais tant, tu me fascinais tant ! Merveilleux, si merveilleux…

-Pour un danseur qui part, il y en toujours un qui arrive, si brillant, si jeune …

-Non. Diaghilev le savait. Ceux qui ont succédé à Vaslav ont pu briller mais ne l’ont pas égalé. Il en ira de même pour toi.

-C’est un rêve !

-Mais c’est la réalité aussi ! Promets-moi que tu me donneras des nouvelles.

-Je t’en donnerai ainsi qu’à Dorian et Anna, qui sont à ta charge maintenant !

L’Américain ne put retenir ses larmes. Erik contint les siennes.

-Au revoir Julian.

-Au revoir, Erik.

Le danseur crut partir sans plus de démonstration mais il n’en fut pas capable. Il revint vers Julian. Ils s’enlacèrent et restèrent de longues minutes sans rien dire.  Puis, ils se saluèrent et cette fois, Erik partit.

 

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