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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
15 février 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 4. Hambourg. Chloé inquiète.

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Ce qu’elle craignait se concrétisa : Julian voulait venir à Hambourg. Lui, Erik était d’accord. Quand elle se récria, il allégua que cet ami suivait depuis longtemps sa carrière et qu’il restait enthousiaste. Elle regimba, il insista. Cette fois, elle cria :

-Non, je refuse ! Tu entends, je refuse. Je te l’ai dit, il m’est insupportable.

Le danger était là. C’est à cause de cet homme qu’Erik était si rêveur parfois.

-Je le verrai seul.

-Mais c’est pire !

-Je te demande pardon ?

-Enfin, Erik, il va venir chez toi alors que je n’y serai pas !

-Oui, c’est un ami.

-Oh ! Erik !

Comme elle ne cédait pas, il fut directif.

-Va à Copenhague pendant qu’il est là !

-Non mais tu es fou !

-Tu ne le supportes pas. Ce sera aussi bien.

-Il t’aime.

Cette fois, il fallait être clair.

-Oui, il m’aime.

-Il te l’écrit ?

-Il me l’a écrit, oui, mais ça fait longtemps.

-A mon avis, il ne s’est pas arrêté…

Ils s’observèrent.

-Alors ?

-Va à Copenhague.

Elle céda.  Julian prit l’avion et atterrit en Allemagne. Erik fut content de le voir. Portant beau, l’américain voulait tout savoir : cette compagnie, son directeur, la vie dans cette ville.

-Beaucoup de choses à voir ?

-Oui. Je t’ai pris des places pour l’Opéra.

-Elle ?

-Elle est au Danemark.

Pour un esthète tel que lui, une ville européenne était toujours un dépaysement et celle-ci ne dérogea pas à la règle. Pour sa part, il trouva Hambourg belle malgré sa rigidité. Tout y semblait très bien réglé. Il aima les canaux, le port, la lumière diffuse de l'hiver et cette atmosphère si particulière des villes du nord de l’Europe. Celle-ci avait, comme d’autres villes allemandes, l’inconvénient d’avoir été abimée par la guerre. Restait donc à faire preuve d’imagination en restant bon public.  On était en hiver et la neige tombait souvent. C’était un premier bonheur pour Julian qui aimait que l’architecture baroque soit enneigée. Un autre bonheur était les musées de Hambourg.  Les tableaux de Caspard David Friedrich qu'il n’avait jamais vus que reproduits, le fascinèrent et à plusieurs reprises, il retourna les voir. Ce « Voyageur contemplant une mer de brume », ce pouvait être tout aussi bien Erik quand son art était une souffrance ou lui-même quand les démons du passé le reprenaient. Mais c’était un tableau plein d’élan, le jeune homme que le peintre figurait de dos, avait fait une longue escalade et mystérieuse escalade pour contempler, émerveillé, cette mer de nuages. En le regardant, Julian se sentait plein de confiance. Et cette « Mer de glace » était le froid de l’âme quand tout est désaccordé. Il le renvoyait à la relation difficile qu’il avait eue avec Erik à New York et à cette cruelle vengeance du Bronx et bien sûr aux déserts de l’enfance et du désamour. Mais ces impressions négatives s’évanouissaient vite quand il revenait au premier tableau ou à d’autres de Friedrich, qui lui étaient similaires. Erik et lui, après tout, étaient des conquérants, aussi audacieux que le jeune homme du tableau qui s’élève au- dessus de la mer de nuage et peut-être aussi vulnérables que lui, mais forts, très forts dans leurs idéaux…

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