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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.

28 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Chloé: la rencontre foudroyante.

 

3. Erik en tournage. Rencontrer Chloé.

Erik tourne un film sur Nijinsky. Il vient de rencontrer l'une de ses filles, Kyra, qui doit venir sur le tournage. Brusquement, il rencontre une jeune fille, Chloé.

Au matin, toute angoisse avait disparu.  Il reprit la route. L'aube était belle. Plus rose que verte au bord de l'océan. Il se sentit comme grisé et plusieurs fois, il fut submergé par une émotion si intense qu'il se demanda s'il ne devait pas s'arrêter là, descendre une petite côte, rejoindre une plage et nager à n'en plus finir. Elle, cette femme, lui avait donné la belle énergie du Faune, après tout et il se sentait ivre de lui-même et du Danseur. L'eau scintillait et il décida de ne pas renoncer. Il se gara. L'océan bruissait et il dévala une pente sableuse avant de rejoindre les vagues douces. La marée était basse. Il n'y avait pas de courant. Il aimait la couleur de l'eau et sa tiédeur. Tout était facile. Il nagea longtemps, très longtemps, s'allongea sur la plage, ferma les yeux et s'écouta respirer puis, une autre fois, il entra dans l'eau. Il était déjà dix heures du matin, c'était un peu tard. Il y avait des promeneurs et d'autres baigneurs. L'océan n'était plus avec lui. Il s'installa à une terrasse et demanda un café. Ses cheveux étaient mouillés. Il s'était changé à l'hôtel et portait un jean et un pull bleu foncé très léger, ouvert en V. Il avait les pieds nus dans ses chaussures. La serveuse était très jeune et très jolie. Elle lui lança un regard appuyé en le servant et alors qu'il n'y avait pas encore grand monde, il la vit, amusé, déambuler de table en table et chercher le moyen de lui parler. Finalement, elle revint vers lui et lui tendit un petit morceau de papier plié en quatre. Il fronça les sourcils, eut un sourire intrigué et déplia le papier : c'était son numéro de téléphone. Il fit « non » de la tête doucement mais la fille qui était très bien faite et avait un visage radieux ne se démonta pas. Elle hocha la tête en signe que oui. Alors, il écrivit sur le morceau de papier : « Danseur. Tournage film : Los Angeles. Horaires. ». Elle pinça les lèvres, réfléchit puis écrivit : « Oui, mais toi, très beau ! Bon motif retard. » Puis elle désigna son cœur. Elle dit « Chloé ». Il ne put s'empêcher de sourire et désignant son cœur aussi, dit : « Erik ». Elle se pencha vers lui, et comme elle avait un corsage un peu ouvert, il vit mieux ses seins qui étaient lourds et denses, magnifiques. Il se sentit brusquement troublé et elle le vit. Elle écrivit : « Toi, Erik, maintenant ». Il rit encore mais elle était belle et l'excitait. Il fit un signe d'acquiescement.  Elle lui dit : « Onze heures-midi, j'ai une pause ». Elle le dévorait des yeux. Il soupira puis écrivit : « où ? ». Elle eut un sourire malicieux et lui répondit : « je viens te chercher dans vingt minutes. Tu verras où. »  Il attendit et bien sûr, elle vint. Elle portait une incroyable robe courte qui mettait en valeur ses longues jambes. Elle était très blonde et avait lâché ses cheveux. Il était content d'être là. Elle habitait à deux minutes et l'entraîna dans un petit studio. Elle ferma la porte à clé et se plaça devant lui. Il lui retira sa robe. Effectivement, ses seins étaient beaux, fermes, émouvants. Il les prit dans ses mains et les serra, ce qui la fit gémir puis s'agenouilla pour lui retirer sa culotte. Elle avait une belle cambrure et il était fier qu'elle fût à la fois si jeune et si belle. Ils s'embrassèrent longtemps et il comprit qu'il aurait pu être rapide, même expéditif sans qu'elle lui fasse le moindre reproche. Mais il prit son temps. Il la caressa longtemps à l'entrejambe à tel point qu'elle criait presque de plaisir quand enfin, il la poussa sur le lit. Il se mit à genoux et poursuivit. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas léché une femme. Dieu que c'était bon ! Elle avait un joli sexe, ses petites lèvres étaient très fines. Quand il ne la caressait pas, il regardait cette extrémité d'elle si dilatée et si humide. Au moment de la prendre, il fut timide :

-Je ne suis pas protégé, tu ne veux pas ?

Mais, elle l'attira avec une telle passion qu'il la pénétra bien plus rudement qu'il ne l'aurait voulu et s'enfonça en elle. Elle n'en parut pas du tout offusquée et lui sourit

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28 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3.

 

Elle était vraiment belle : un beau corps bien proportionné, une peau douce et hâlée, un merveilleux visage. Elle s'accrochait à lui et avait relevé haut les cuisses ; elle était très active, très mouillée, assez technique aussi car elle savait accélérer et ralentir son plaisir. Elle le repoussait, le faisait revenir en elle. Elle le stimulait en lui parlant. Rien d'obscène. Des encouragements, des paroles douces aussi. Elle pouvait avoir vingt ans. Il la faisait gémir. Elle passait les mains dans ses cheveux, touchait son visage. Il continuait de la prendre avec émerveillement. Comment avait-il pu oublier à quel point c'était bon de faire l'amour à une femme, à quel point il pouvait s'agir de commencements. Elle n'était certainement pas une professionnelle et encore moins une fille déséquilibrée. Elle était serveuse sans qu'il sache s'il s'agissait d'une profession ou d'un job d'été. Beaucoup d'hommes devaient tourner autour d'elle et de temps en temps, elle était attirée par un garçon, faisait l'amour avec lui et n'avait pas d'état d'âme. Elle était naturelle. La sensualité chez elle l'était. Qu'elle se comportât de manière libre lui plaisait. Il se moquait des idées attendues, vivant lui-même une dualité qui lui rendait la vie passionnante. Il se préoccupait des petits cris qu'elle poussait maintenant, des halètements qu'elle avait et il la prit plus rapidement.  Elle lui répondait en lui caressant les reins et comme elle était en sueur, belle, humide et il sentait qu'il ne se contiendrait pas longtemps. Il le tenta pourtant de le faire et se redressa sur ses bras pour la pilonner autrement. Il voyait son buste ainsi et ses seins et il voyait surtout l'imminence du plaisir sur son visage. Il alla et vint encore en elle, puis se cambra. Elle cria brutalement tandis qu’il gémissait et il la sentit toute secouée de spasmes avant que lui-même ne se libère. Ils restèrent ensuite l'un contre l'autre puis se regardèrent. Des regards sans pensées. Il Resta ensuite un long moment à ses côtés, se contentant de lui caresser les seins. Elle était heureuse et très confiante et quand il se redressa, prenant conscience du temps qui passait, elle poussa un petit gémissement qui marquait sa déception. Il l'embrassa sur les lèvres et lui sourit encore. Ce fut elle qui se montra bavarde.

-Erik, vraiment tu es un bel amant !

-C'est un beau compliment !

-Tu as l'habitude qu’on t’en fasse !

-Non.

-Je ne suis pas curieuse, tu sais, mais tu es très attirant, élégant et en plus, tu n'as pas l'air d'être sot. Difficile de te croire timide et chaste.

-J’ai eu mes moments sages et d’autres agités…

Il lui sourit, prit une douche dans le minuscule studio et se rhabilla.

-Je peux rester ?

Dans les draps, elle était belle. Elle fit un signe de tête négatif :

-Malheureusement, non ; C'est une question d'horaire, dit-elle. Je travaille. Sinon, je l'aurais refait avec toi, c'est sûr. Tu as une bouche très habile. Je n'avais pas été aussi bien léchée et prise depuis longtemps et vraiment j'adorerais l'autre orifice ! Rien que d'en parler, je suis très excitée.

Il était devenu un peu distant. Elle dit :

-Oh mais peut-être que tu détestes toutes ces pratiques de sodomie. Certains hommes n'aiment pas du tout.

-Moi, j’aime.

-On dirait que ça te fait sourire !

Il ne put s'empêcher de s'amuser : elle n’avait idée de rien. Aucun Mads, aucun Julian ni la cohorte de leurs clones et suiveurs n’existaient pas pour elle…Et pourtant, chacun d’entre eux était là, si pesant…

-Oui, mais tout peut prêter à sourire ! Personnellement, Je t'aurais volontiers prise de cette façon. Je n'ai rien contre, bien au contraire. Mais, tu travailles et j'ai mon tournage.

-Ton tournage mais c'est vrai ?

-Oui.

-Et danseur ?

- Aussi. Danseur classique.

-C'est impossible ! Tu es peut- être acteur et tu fais beaucoup de sport mais danseur dans des ballets avec des tutus ! Ah non, là, je ne te crois pas ! Mais tu mens !

Cette fois, il rit plus franchement. Puis il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Il l'embrassa sur la bouche et sur le front et quand il partit, elle lui demanda s'il avait gardé son numéro de téléphone. Il dit « oui ». Alors, elle prit un autre bout de papier et écrivit : « Erik, la prochaine fois, toi, moi, deux orgasmes. » Elle était adorable. Il se noyait dans ses yeux bleus.  Elle avait un visage très bien construit où les disharmonies mises ensemble créaient la beauté. De profil, avec son petit nez busqué, elle était mystérieuse. De face, c'était une belle Ève de la Renaissance italienne. Belle, belle. Elle le regardait avec intensité et il la trouvait adroite de n'avoir remis sur elle que sa robe moulante.

-Je dois te donner quelque chose !

-Non, Chloé ! On ne se connaît pas !

-Mais, je m'en fous de ça. Je te fais un cadeau.

Elle enroula autour de son cou un foulard indien bon marché. Il était pour lui, à cet instant, le plus merveilleux des cadeaux.

-Bleu et vert. Il va avec tes habits.

-C'est un cadeau charmant. Et tu es si belle !

-Ah non, non. Ou « juste jolie ». Mais toi, tu es...tellement mieux. Un peu trop ailleurs, j'ai eu de la chance, je crois...

- J’en ai aussi.

- On va se revoir ?

- On va se revoir.

- Pourquoi ?

- Moi Chloé, toi Erik. Je ne pourrai oublier. Je suis sûr.

-Moi-aussi.

28 mars 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 3. Chloé, troublante et peu oubliable.

 

Il lui dit qu'il l’appellerait et il reprit la route. Il avait ses odeurs sur lui, ses belles odeurs de femme. Elle l'avait totalement enchantée : ses beaux seins, ses longues jambes, cette bouche du haut si pulpeuse et celle du bas, plus secrète et terriblement accueillante. Rien que d'y penser, l'excitation le reprenait en entier. Elle adorait les beaux torses, les épaules fermes, les jambes musclées et les sexes bandés, cette fille et il ne lui donnait pas tort. Après tout, elle avait un joli corps fait pour l'amour. Ses belles hanches, le triangle rosé de sa chatte, sa taille fine, ses seins magnifiques et ses lèvres charnues, enfantines encore ! Une belle jeune fille sur fond de mer, une naïade...Une naïade ? Non, plutôt une nymphe. Comment ça une nymphe ?  Oui, elle était très crédible en longue tunique blanche, les cheveux tirés. Ah mais dans ce cas, alors...Une émotion violente le traversa soudain :

-Ce n'est pas possible, ça ne peut pas être vrai ! Mais c'est le Faune ! Elle avait des regards...Et les miens la soumettaient. Ce ne peut être possible ! Le Faune ! Incroyable. Comme je la regardais, comme se pliait dans l’amour et jusqu'à ce foulard. Je pourrais m'en servir pour jouir comme il fait en pensant à son corps, à ses promesses, à ses joues encore enfantines et à ses beaux regards. C'est simple. Elle m'a rendue comme lui. Enfin plutôt « Elles ». La femme aux yeux verts et l’Ève radieuse. Et Lui, car il faut le suivre.

Il ne cessa, en rentrant, de penser à l'abandon de Chloé et revit ses cuisses écartées, le triangle blond de son pubis et le dessin de ses lèvres intimes ; il revit son excitation aussi. Comme c'était bon ! Il sut qu'il la reverrait. Une prochaine fois, ils seraient nus sur une plage ou dans une forêt et ce serait aussi intense. Il lui donnerait des nouvelles.

Quand il se gara, à Corona del Mar, devant la grande villa, il était bien plus tard que prévu.  Tout le monde était là. Mills fut direct :

-Eh bien, dis-nous ce qu'il en est de Kyra Nijinsky ?

-Elle honore le rendez-vous. Elle prendra l’avion.  

-Fort bien ! Précise.

-Sans la lettre de mon professeur de danse à Copenhague et sans l'album, elle n'aurait pas accepté. Comme quoi, tout cela était judicieux.

-Que disait la lettre ?

-Je ne sais pas.

-Et l’album ?

-Ce sont des photos d'elle le plus souvent prises par Irina Nieminen, mon professeur à Copenhague mais par d'autres aussi. On la voit quand elle était petite puis jeune fille. Il y a beaucoup de photos d'elle en danseuse quand elle se produisait en Allemagne et à Londres et d'autres où elle porte ses costumes.

-« Ses » costumes ?

-Oui, elle est photographiée en spectre, en esclave, en dieu bleu : ses rôles. Et elle est photographiée en Lui. C'est à dire vêtue comme lui avec le même regard, le même visage. Celles-là sont souvent d'Irina.

-C'est sans grande importance, non ?

Erik fut interloqué. C'était une remarque naïve. Wegwood l’épaula :

-C'est une femme âgée et c'est un passé lointain. Bien que sûr que c'est important. Elle s'est revue...

Mais Mills parut méfiant :

-Probablement. Mais dis-moi, concernant le tournage ?

-Elle a lu le scénario et l'a annoté.

-Elle a compris ce qu'on voulait faire ?

Erik regarda Mills et fit un signe de tête négatif.

-C'est la fille de Nijinsky. Elle veut qu'on en tienne compte.

Mills parut stupéfait :

-Qu'on en tienne compte ? Tu m’inquiètes ! Elle est fantasque.

-Elle a le droit de les vouloir ! Quel est le sens de cette expérience sans elle ? Elle doit juste venir pour dire que tout est très bien ? C'est la fille d'un des plus grands danseurs du vingtième siècle !

Wegwood lui décocha un regard entendu : Mills commençait toujours par dire non et s'arc-bouter. Mais cette fois ci, le danseur ne temporisa pas.

-Elle est forte et cohérente. Je suis restée longtemps avec elle, d'abord dans un salon de thé et ensuite chez elle dans un appartement désuet où tout renvoie aux Ballets russes… Elle a parlé de tout, mais surtout de la danse. Elle sait ce qu'elle dit.

-Ce que tu dis me plaît, nuança Wegwood. On doit s'attendre à être bousculés. C'était quand même un enjeu de départ. Et tu as raison : c'est sa fille !

Mills resta songeur :

-Mais c'est toi que je vais surtout filmer quand elle sera là...

-Tu changeras d’avis. Tu changeras forcément d’avis !

Wegwood sourit devant l'audace et l'habileté d'Erik mais Mills faillit mal le prendre.

-Aucun dépassement de budget n’est autorisé et Baldwin me tarabuste !  Bon, toi, tu fais venir la fille de Nijinsky et tu décrètes que le film sera fort ! J’espère qu’elle ne sera pas trop difficile à manœuvrer !

De nouveau, le chorégraphe intervint :

-On paniquait parce qu’elle ne venait pas et maintenant, on redoute qu’elle vienne et perturbe tout ! Elle a un fort caractère et est respectueuse de son père ; moi, je n’ai pas d’inquiétude. Je crois qu’elle sera ravie, Erik y veillera.

Mills finit par dire :

-Bon, on va faire confiance puisqu’Erik semble avoir faire de multiples conquêtes en Californie ! Je n’avais pas pensé à mademoiselle Nijinsky mais pourquoi pas !

La remarque amusa le danseur qui se mit à rire. On prit un verre et on se sépara.

Dans les jours qui suivirent, Erik eut Julian au téléphone. Il lui parut enjoué, comme si l’agressivité dont le danseur avait preuve à son égard et la façon dont il lui avait répondu n’étaient plus que de lointains souvenirs.

-Mademoiselle Nijinsky a fait ta conquête : j’ai reçu ta lettre !

-J’ai hâte qu’elle vienne sur le tournage.

26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Erik, Julian, le film et les questions.

 

Julian était sagace. Cette fois, la voix d’Erik était différente. Elle n’était pas « invitante ». Il n’était donc plus question d’un voyage en Californie ? Ce danseur restait si versatile ! Il décida de le surprendre et il lui annonça une nouvelle déconcertante.

-Pour ce tournage, je continuerai de te soutenir. Appelle-moi dès que tu le souhaites et écris-moi. Pour le reste, je dois te faire un aveu : je connais un acteur depuis quelques temps. Il fait du théâtre. Il me plaît et c’est réciproque. Je t’avoue que je suis heureux, ça se concrétise !

-C’est bien ! Très bien même ! Je suis content pour toi.

-Et toi ?

-Je travaille.

Erik se mentait : il faisait mine de congratuler son ancien compagnon mais paradoxalement, il était sincèrement contrarié. Julian et lui s’étaient montrés sauvages l’un avec l’autre mais ils s’étaient aussi aimés et compris.

-Il n’y a personne qui t’attire ?

-Non.

-Tu peux avoir une aventure.

-Je n’y pense pas.

-Tu devrais…

Il mentait encore. Julian le salua. Leur liaison était défaite mais il restait ce lien incompréhensible. Il tenta de se secouer :

-Mais je suis idiot ! J’ai fait la belle rencontre d'une jeune fille et j’en reste très ému ? Je me suis laissé guider par la beauté d'un corps et d’un sourire et j’en reste bouleversé !  C’est convaincant. Il est préférable après tout qu’à New York, Julian soit tombé amoureux. Et c’est mieux de ne rien avoir dit.

Préférable ? Était-sûr ? Mais bientôt, il pensa à la beauté physique de Chloé et se mit à sourire.

 

Les premiers jours passés dans cette grande demeure au caractère dépaysant et l’imminence du tournage montraient déjà qu’Erik était à sa juste place et s’en tirait bien.  Le reste, si reste il y avait, pouvait attendre. Toutefois, il était désireux de parler et Christopher Wegwood lui parut être la bonne personne.

-J'ai passé près de huit heures avec Kyra Nijinsky et c'est une des journées les plus importantes de ma vie.

-C’est ce qui m’a semblé.

-Elle viendra. Elle est tout ce qu’Irina a dit. Elle est un témoignage…Elle veut toujours être lui. Elle m’a fasciné.

-Son impact sur le film sera décisif, tu le sais comme moi.

-J’en suis sûr ; en même temps, elle est si forte ! Elle risque de me contraindre, de me transformer…

-Erik, là, je ne peux pas te suivre.

Ils étaient sur la terrasse de la villa où logeaient les danseurs, mais le danseur voulut continuer leurs échanges dans sa chambre. Des livres et des revues étaient empilés sur un bureau et au mur étaient collées toutes sortes de fiches portant sur le grand danseur et son époque. Un album empli de photos de Nijinsky aux temps des Ballets russes était ouvert à la page du Faune et des chaussons de danse étaient posés sur une tablette. Pas n'importe lesquels non, de ces chaussons sur mesure que les grands danseurs recherchent. Il y avait deux grands miroirs et un lit qui n'était pas fait. Manifestement, Erik travaillait avec acharnement et restait humble.

-Erik, les questions que tu te poses reçoivent-elles des réponses ?

-Elles sont partielles mais heureusement, on m’aide. Il y a d’abord une finlandaise qui m’a formé jadis. Elle connaît la fille de Nijinsky et elle est un bon guide ; et à New York, j’ai un ami qui travaille pour l’Opéra. Lui-aussi a un grand savoir sur cette période.

26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. L'Aveu d'une attirance.

Wegwood se voulut rassurant. L'attitude de ce danseur prêtait à confusion puisqu’il paraissait tantôt embarrassé, tantôt détaché mais il était encore très jeune et n’avait jamais tourné de film.

-Tu n’es pas seul, on te soutient, tu vois. Alors qu’y a- t-il ? Tu sembles fragile tout d’un coup.

Erik, qui se surprit lui-même, entra brusquement dans le domaine des confidences.

-Je viens d’avoir une aventure avec une fille. Elle est belle, solaire, je voudrais l’aimer. Ce serait facile avec elle.

Wegwood sourit :

-Ah mais c’est très bien !

-Mais à New York, j’ai eu une liaison compliquée avec un homme.

-Elle est terminée ?

-Oui.

-Eh bien, alors ?

-Je ne sais pas trop…

-Indépendamment de ton art mais à cause de lui aussi, tu es très attirant. Je ne pense pas que ça mette autrui en danger sauf si on se trompe sur toi et qu’on confonde amour et captation. Moi, j’ai eu quelques errances puis j’ai trouvé une femme avec qui je partage beaucoup. Nous avons deux enfants. Je me suis ancré et ça me convient. Que tu attires un homme mûr ne me surprend pas. Je ne sais pas ce que tu as vécu avec lui et ça ne me regarde pas. Mais tu es jeune et en devenir : ta californienne bien faite pourrait te permettre d’être plus solide. Tu ne peux pas le savoir pour l’instant et tu ne le sauras que si tu persévères, et elle-aussi. Mais crois-moi, on peut vraiment s’épanouir avec une femme !

-Elle est très jolie. Je ne m’attendais pas….

-Tu es beau, ce n’est pas rien. Pour le reste, tu fascines les spectateurs ; tu as été choisi pour cela. Ce film peut te faire grandir, d’apprendre à accepter l’épreuve et en sortir vainqueur. Tu es face à un danseur russe qui a marqué l’histoire de la danse. Vis cela comme une exception étincelante dans l’ordinaire de ta vie enchantée !

Suffoqué, Erik regarda le chorégraphe avec curiosité.

-J’ai la force ?

-J’en suis certain ! Tu sais ce qui me fait dire ça ?  Le fait qu’un homme ou une femme puisse t’aimer mais qu’à mon sens, une femme est préférable pour toi ? C’est ce que tu es quand tu t’entraînes chaque jour et que je te vois à la barre avec les autres danseurs. Vous faites les mêmes gestes : la jambe sur la barre, le buste penché, le mouvement des bras. Les figures debout. Vous cherchez de temps en temps leurs images dans le miroir et poursuivaient. Le mouvement, la grâce, le travail. L'équilibre, le travail, la grâce. Encore. Vous vous se penchez, vous tournez sur eux-mêmes, vous sautez et vous retombez et vous recommencez Encore. Bras levés, jambes croisées, élan, saut. Encore. Tu es tout entier dans ce que tu fais et si on t’observe, on voit à quel point tu es gracieux et habité. Tu sais, je pense à un texte de la romancière française Françoise Sagan sur la danse. Elle évoque Rudolph Noureev et le texte est au singulier mais je vais le mettre au pluriel. Ça dit ceci : « Ces hommes et ces femmes à demi- nus dans leurs collants, solitaires et beaux, dressés sur la pointe de leurs pieds, et regardant dans un miroir terni, d'un regard méfiant et émerveillé, le reflet de leur Art." Toi, tu cherches ton image, on te voit la capter et je crois que ça peut rendre très amoureux un homme qui est très esthète ou une belle jeune femme ; mais crois-moi, essaie avec elle…

Erik sourit et fit oui de la tête.

Revoir Chloé était impératif car bientôt, on quitterait Corona del Mar pour Los Angeles où tout serait plus compliqué. Erik appela la jeune fille à plusieurs reprises et réussit à la convaincre. Il la verrait dans un petit hôtel, ne voulant pas lui imposer les autres. Elle le rejoignit et le charma. Elle portait une robe verte, légère, aux fines bretelles. Il la trouva conquérante et se soumit à elle avec bonheur.

-Retire tes vêtements.

Quand il le fit, elle l'observa. Elle regarda le torse à la respiration un peu hachée, les hanches étroites, la peau plus claire qui lui succédait, les jambes musclées et il lui envoya un regard approbateur.

-J'ai attendu ce moment, tu sais.

-Moi-aussi. Tu gardes ta robe ?

-Non !

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26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Erik et Chloé. Désir et amour.

 

Bientôt, elle dit à Erik de garder les yeux ouverts tandis qu'ils se rejoindraient. Elle verrait, dans le plaisir, l'éclat bleu du regard de l’amant et son expression mouvante, toute habitée par le désir. Il lui obéit un temps puis inversa leur position ; il s’allongea sur elle et sentit sous le sien ce corps racé qui lui obéissait. Il laissa s'affoler la respiration de l'amante puis il se redressa, leva une des cuisses de la jeune fille et la pénétra. La prise fut lente mais ferme. Chloe se mordit les lèvres. Elle avait presque mal. Erik lui fit l'amour le plus longtemps qu'il put et il observa, face au sien, ce visage que la recherche du plaisir rendait tantôt lisse tantôt soucieux. C'était tantôt un profil mouvant dont les contours étaient harmonieux, tantôt une face pleine aux beaux reliefs. Chloé laissait aller sa tête d'un côté et de l'autre comme pour endiguer la force du plaisir et se sentait heureuse. C'était bien plus qu'un moment de partage, c'était une acceptation profonde, la signature d'une dépendance réciproque et toute nouvelle. Bouleversés, ils s'étreignirent et s'accrochèrent l'un à l’autre puis ils se regardèrent longtemps. Erik fut le premier à parler.

-Tu sais pourquoi je voulais te voir !

-Oui.

-Je tombe amoureux.

-Moi aussi.

Erik fut alors traversé par une idée simple : il devait accepter qu’elle continue ou non de lui répondre. En l’aimant elle, il se sauvait de lui-même, il en était certain. Il espérait seulement qu’elle en aurait l’intuition. Ils se promenèrent ensuite, prirent un verre puis revinrent faire l’amour. Elle partit au matin.

C’était les derniers jours à Corona del Mar et déjà, on rangeait tout. Erik était tendu. Comme un soir, il s’endormait vite, il fit un cauchemar qui le bouleversa. Il était à New York avec Julian et ils étaient allongés l’un près de l’autre, nus mais les couvertures remontées. Malgré l'harmonie que dégageaient la vaste chambre à la décoration précieuse, la douceur des draps et la tiédeur alanguie de leurs corps, malgré l'apaisement qui venait après la jouissance, la semence, la sueur, la salive, ils n'en avaient pas assez. Se penchant vers le buste de son ami, Julian se mettait à en lécher la peau claire avant de la mordiller d'abord avec douceur. Quand il mordait plus fort, Erik gémissait et se rebellait :

-Tu me fais mal.

-Je sais. Tu aimes.

-Mais non !

-Si. Tu aimes.

Il le mordait encore et le jeune homme regimbait ; mais Julian continuait d'insulter et d'embrasser, de caresser et de pincer. Le corps d'Erik était le corps de l'amant. L'amant n'est pas fiable, il faut le corriger, il faut le réprimander pour ses manquements mais il faut l'honorer pour ce qu'il sait faire ; et de toute façon, le désir est trop fort. La prise peut se faire sans honneur. Il faut faire jouir l'amant mais il faut le priver. Il faut l'étonner et le charmer mais l'abaisser. Il faut le faire jouir et jouir de lui. Il faut l'adorer, le caresser et le malmener. Seules les punitions rendent la jouissance violente puisqu'elles sont justes, puisque l'amant a failli. Entravé, il est plus beau. Il n'est pas rebelle. Il reste l'âme et les intentions mais les liens les rendent difficiles...

Dans son rêve, Erik finissait par dire.

-Tu n’es pas réel ; je t’ai quitté et de toute façon, tu as rencontré quelqu’un d’autre !

Mais l’américain se fâchait :

-Attention Erik je ne suis pas méprisable. Je suis Ta rencontre. Tu penses que tu n’as plus rien à faire avec moi mais tu te leurres.  Un tel entrelacement, un lien si fort malgré tout et la mansuétude malgré les humiliations et les années qui, même sporadiquement, nous voient ensemble c'est bien le signe d'un amour violent.

-Trop violent en effet !

-Quelle erreur, mon amour !

Et, de nouveau, Erik, était à New York, dans la chambre de Julian. Très excité, il se laissait faire. Il écoutait ces mots qui le féminisaient, le ridiculisaient et recevait les doux sévices de son ami.

-Dis « encore ».

-Non.

-Dis « encore »

-Encore.

-Bien ! Si je te crache au visage, que diras-tu ?

-Je dirai oui

Erik eut un sourire intérieur. L'ami le battait, crachait, léchait ses crachats sur ses joues. Erik, hors de lui, crachait aussi. « Mais où prend-il ce crachat, me disais-je, d'où le fait-il remonter si lourd et blanc ? Jamais les miens n'auront l'onctuosité ni les couleurs du sien. Ils ne seront qu'une verrerie filée, transparente et fragile. » Julian avait lu Jean Genet. Blessure. Idole. Humiliation. Idole. L'ami voulait faire l'amour encore, lui relevait de nouveau les jambes pour pouvoir le prendre en voyant son visage. Il voyait les belles lèvres d'Erik, si bien ourlées, cette bouche généreuse qu'il avait et aussi, ses pommettes hautes, son regard bleu et l'implantation de ses cheveux blonds. Il les voyait dans les tressautements du plaisir. Belle idole qui appelle la jouissance, en est inondée et la donne. Un autre râle et c'était bien.

Se réveillant en sursaut, Erik cria. Cette histoire-là était finie ! Pourquoi cet horrible rêve ?

Juste avant son transfert à Los Angeles, il revit Chloé. De nouveau ils allèrent à l’hôtel mais le choisirent plus beau. Ils firent longuement l’amour puis nagèrent et dînèrent. Elle le trouva soucieux mais il s’efforça de rire beaucoup et fut tendre avec elle.

 

26 mars 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 3. Tournage, inquiétude et présent magnifique.

Toutefois, son inquiétude demeura. Il était toujours en relation avec Kyra Nijinsky et continuait ses envois de rose. Elle lui fit parvenir une photo de son père qui n’était pas une copie mais un original. Nijinsky dans le costume des danses siamoises. Il avait une expression extatique. Sans savoir pourquoi il agissait ainsi, Erik en fit un duplicata et le mit sous enveloppe. Il l’adressa à Julian et la posta. Quarante-huit après, il fut appelé.

-Tu as une copie, toi aussi ?

-Non, j’ai l’original. Le prince oriental des Danses siamoises.

-Parfait. Tu peux faire fortune.

-C’est un prêt.

-Qu’en sais-tu ? Je pensais à une autre photo.

-Laquelle ?

-Il est beau, allongé, alangui. Ses yeux sont fardés et il sollicite, il attend. Et ce costume qu'on devine chamarré, étincelant, malgré le noir et blanc. Il est jeune, vingt ans tout au plus et il guette l'odalisque, la préférée, la belle, celle avec laquelle, bientôt il dansera et qu'il possédera.

-Oui, je vois.

-Note que ça pourrait être toi.

En des années de travail, Julian n'avait eu en main, lui qui côtoyait des chanteurs d'opéras, des chefs d'orchestre, de grands couturiers et des peintres en vogue, une telle magnificence : une vraie photo de Nijinsky, issue d'une sphère artistique ou familiale. Diaghilev avait dû la voir. Et cet Erik lui en envoyait une copie…

-Quoi d’autre venant d’elle ?

-Un carnet. Un mélange de textes et de dessins...Certains textes sont en russe... La plupart des dessins sont de Bakst lui-même. Il dessine en fait les costumes qu'il a créés pour les Ballets russes jusqu'en 1914, les derniers étant La légende de Joseph et Papillons, deux chorégraphies de Fokine avec des musiques de Richard Strauss et Robert Schumann. On dirait un balayage de sa carrière. Il a dû lui donner le carnet et elle y a écrit ensuite, l'inverse me semblant moins probable. Si tu regardes bien les dessins tu verras aussi les costumes de Jeux. Or ils ne sont pas de Bakst. On peut être sûr qu'elle a écrit dans ce carnet mais il y a d'autres écritures. Là, c'est Bakst. Et là, c'est Nijinsky. Je suis formel. Des petites notes sous un dessin ! Regarde, ça a été découpé et collé. Il avait appris le dessin...Incroyable ?

-Surtout pour moi. Je ne sais pas ce que tu as reçu, pardon, ce qu’elle t’a prêté. Je dois me contenter de tes descriptions, n’ayant sous les yeux ni l’original ni des photocopies…

Le danseur frémit.

-Tu les verras à New York, si tu le souhaites.

-Oui, sans doute. Ce tournage ?

-Les ballets vont être filmés.

-Tout le monde t’aime ?

-Remarque étrange.

-Non, je te connais. Ils ont dû mettre la barre plus haute quand tu leur as montré ce carnet et cette photo. Et ça les a rendus encore plus pressants ! Ils attendent tant de toi !

-Tu es railleur ?

-Non. Tu n’as pas été choisi par hasard.

-Je le sais ; malgré tout, c’est difficile.

Julian changea de cap sans crier gare.

-Tu as fait une belle rencontre ?

Erik hésita un peu puis répondit :

-Oui. Une jeune femme.

-Très bien. Quand je t’ai vu avant ton départ, nous nous sommes apaisés mais enfin, il reste des souvenirs cuisants. Tu es très ambivalent…

Le danseur se mordit les lèvres : depuis quand l’ambivalence était-elle un obstacle à une attirance passionnelle ?

-Tu ne trouves pas ?

-Si.

 C’est bien que tu aies rencontré une jeune fille : tu vois, l’Amérique te réussit !  Moi, il me plait toujours.

-Mais tu es là si j’ai besoin de conseils…

-Oui.

-J’y tiens.

-Au revoir, Erik.

Erik aurait pu fort mal prendre la façon dont Julian mettait fin à leur échange, mais ce ne fut pas le cas. La nuit même, il s’endormit facilement et fit, cette fois, un rêve heureux. Le dormeur au beau visage qu’il était rejoignait le prince androgyne de la photo, qui n'avait ni son teint clair ni sa blondeur ni ses traits purs. Et, quand il se sentait proche de lui, tous deux voyaient s’ouvrir le royaume des ombres. Avant d’y pénétrer à la suite du grand danseur, Erik songeait au carnet et à la photo. De tels présents et de tels enjeu ! Devait-il les conserver ? Mais Nijinsky, qui le précédait, lui faisait signe que non. Il souriait.

Inquiet malgré tout, il se tourna vers Irina. Ne tenant pas compte du décalage horaire, il la réveilla abruptement mais elle ne lui en tint pas rigueur. Elle parut d’emblée vive d’esprit et attentive.

-Oh, Erik ! Kyra me parle de vous !

-Madame, j’ai besoin de conseils.

26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3. Demander conseils à Irina.

-Je suis une guerrière ; attendez-vous à être déconcerté !

-Je sais, madame, comment vous êtes. On a eu une relation très forte quand j’étais votre élève. Quelquefois, je me suis vraiment fâché et vous vous êtes adoucie. Le Russe était juste un cran au-dessous d'elle mais ça n’avait pas le même impact ! Vous étiez tout le temps en guerre mais vous êtes une guerrière paradoxale.

-Paradoxale ? Je ne comprends pas.

-Mais si, madame. Vos cours étaient chers. On a payé tout ce qu’on a pu mais à la fin, vous ne vouliez plus. Vous m’avez même payé des stages. C'était extrêmement généreux et pour moi, incompréhensible, je vous l'avoue.

-Oui, j’ai fait cela pour vous par calcul et par générosité, vous savez. Je vous ai programmé pour devenir quelqu’un ! Ce que j’ai donné, je savais pouvoir le reprendre. Vous alliez briller et j’en serais la cause avec Oleg ! Vous ne pourriez pas vous séparer de moi. Vous savez pourquoi ? Je suis l’une des Nornes. Je ne vous apprends rien, Erik : les Nornes sont des Déesses nordiques qui tissent les destinées des humains. Elles sont trois : Urd est la déesse du passé, Verdandi est celle du présent et Skuld, celle de l'avenir. Elle les réunit, en fait.

-Comment me voyez-vous ?

-Comme Balder, le plus beau des dieux, le dieu du printemps...

-Je dois me réjouir ?

-Non, Erik :  Balder est tué par Loki, le dieu du mensonge et du carnage. Vous le savez, tout est repris ou presque dans les Niebelungen...

Erik parut frappé, bouleversé mais ne dit rien. Irina reprit :

-Heureusement, tout est cyclique.

-C’est-à-dire ?

-Nous sommes des êtres de spectacle, non ? Alors, nous pouvons convoquer les mythes. Le printemps ne va pas vous quitter et tout carnage sera tenu à distance. Allons, je parle par symbole car je sais que vous les aimez. N’ai-je pas raison ?

-Si, madame.

-Dans ce cas, vous avez compris qu’avec ce film, on vous encensera mais on vous persécutera aussi. Et dans votre vie, il en ira de même. Vous faites des rencontres n’est-ce pas ! Une jeune fille ?

-Oui. Belle, fine, américaine.

-Pas juste elle ! Il y a quelqu’un d’autre.

-Oui. Il est à New York. J’ai été violent avec lui et lui avec moi.

-Il est proche de Nijinsky ?

-Il est d’une grande culture. Il connait parfaitement les Ballets russes.

-Ne vous inquiétez pas de Loki. Vous êtes Balder !

-Kyra Nijinsky le pense aussi ?

-Ah Kyra ! Ce qu’elle pense de vous ? Vous le comprendrez quand elle viendra sur votre tournage. A propos, ils sont exigeants ?

-Lui et elle ?

-Oui. Très.

-Tant mieux.

-Je ne peux pas répondre à l’un et à l’autre.

-Pensez aux mythes !

-Madame, soyez plus claire !

-Non, Erik.

Elle demeurerait sibylline sur ce sujet ; Erik préféra évoquer son tournage et le dit difficile.

-Madame, encouragez-moi !

-En ai-je besoin ? Je suis sûre que vous faites face.

Elle ne désirait pas aller plus avant et il préférait qu’elle reste laconique. Il avait peur au fond de ce qu’elle dirait.

-Nous partons. Los Angeles.

-Kyra ? Vous craignez qu’elle se dérobe ? Non, elle viendra et en pensées, je serai là.

-Merci, madame.

26 mars 2024

Erik N/ Le Danseur. Partie 3. En tournage à Los Angeles.

4. Erik et l'équipe du film à Los Angeles

Et puis, ce fut Los Angeles ! Enfin, ils s'approchèrent de la grande ville et avec le bel élan naïf d'un Européen qui découvre l'Amérique, le danseur s'exclama !

-Le cinéma, Hollywood !

Et tous, sans savoir ce qui les attendait, furent heureux comme des enfants. On tournerait dans les studios de Burbank. C'était le nord d 'Hollywood. Baldwin travaillait pour New line cinema qui était rattaché à la Warner. Il était producteur indépendant et avait sollicité l'appui d'un grand studio. Pour que le film existe, il avait dû réunir les fonds, ce qui, pour un film aussi ambitieux et pointu que celui-là, avait dû lui demander beaucoup d'habileté et beaucoup de relations. Il est vrai que le scénario était bien ficelé et que Mills savait être convainquant.

Chloé, voulait délaisser le restaurant pour lequel elle travaillait sur la côte pour un bar à Los Angeles où elle serait serveuse. Cette ville était tentaculaire mais sa rencontre avec Erik était très récente : si elle n’était pas combattive, ils se perdraient de vue. Elle cherchait activement un emploi temporaire.

La production avait pourvu Erik d'une chambre d'hôtel et c'était le premier soir. Il marquait le début d'une longue aventure. Le tournage des ballets en costumes et dans de vrais décors allait commencer, Kyra Nijinsky était attendue, d'autres scènes allaient être tournées, entremêlant des images dans danseurs en costumes, certains textes du Journal et des réflexions des danseurs eux-mêmes. Tout cela s'avérait passionnant. De plus, le compositeur des musiques additionnelles allait croiser celui qui avait supervisé l'orchestration des morceaux de Von Weber, Debussy et Stravinsky utilisés pour le film. Grâce à Julian, Erik avait pu rencontrer des chanteurs d'opéra et des chefs d'orchestre de premier ordre mais ce tournage lui donnait l'opportunité de découvrir une infime partie de cette Mecque du cinéma. Il s'en réjouissait. Tout exalté, Erik alla retrouver Mills et Wegwood, mais une fois seul, il se sentit partagé. Il était heureux que Chloe se rapproche de lui car il la découvrirait davantage. Il voulait vraiment l’aimer davantage, mais quoi qu’il en dise, Julian, lui restait dans le cœur et cela le mettait dans l’embarras. Il pensait avoir tiré un trait.

26 mars 2024

Erik N / Le Danseur. Partie 3.

Les studios de Burbank étaient aussi labyrinthiques que prévu et Erik mit un temps certain à trouver les lieux exacts du tournage. Quand ce fut fait, il prit ses marques. Mills allait filmer plusieurs grands ballets de Nijinsky ; ce serait intense. Le matin du premier filmage, Erik disparut très vite car les danseurs devaient s'échauffer. Wegwood les attendait en coulisses. Mills, le metteur en scène plutôt effacé des débuts, n'était plus le même homme. Se tenant très droit, il parlait à des techniciens avec autorité et ne faisait preuve d’aucune timidité. L’équipe qui lui faisait face réglait le son et les éclairages sans que rien ne lui échappât et quand il fut tombé d’accord avec elle, il parcourut le décor pour être sûr que rien ne manquait. Le chorégraphe et le danseur principal étaient surpris de cette transformation mais au fond, elle les rassurait : on allait filmer Le Spectre de la rose et Mills saurait faire face. Il avait exigé que la présentation du ballet fût la plus conforme possible à la première, or, il y avait longtemps qu’on ne décorait plus ainsi une scène que les costumes des danseurs avaient changé…Il vérifia une fois encore que tout était parfait puis sortit du champ. Les lumières furent réglées et les danseurs entrèrent : il voulait s’assurer qu’eux-aussi étaient parfaits.

Adélia, la petite danseuse, portait un long tutu vaporeux et Mills qui la fit tourner sur elle-même, fit un signe d’assentiment avant de regarder Erik. Celui-ci était magnifique ; il avait de quoi être saisi. Le beau visage aux traits symétriques avait une expression à la fois douce et grave que le maquillage forcé à l'extrême rendait singulier. Le teint était pâle, tout en rose et en blanc, les yeux étaient cernés de khôl et n'en paraissaient que plus bleus et les lèvres était plus rouges que roses. Ce visage pourtant couronné d'un joli casque de fleurs inspirait le respect que l'on doit à la poésie et à la beauté et nul dans l’équipe de tournage ne le prit en dérision. Ce n'était pas le visage d'un être efféminé, c'était une sorte d'apparition si délicate et en même temps si présente que tous furent violemment charmés. Erik portait le costume du jeune spectre. Des fleurs étaient peintes sur sa tenue et d'autres étaient cousues. Il avait placé sur ses bras des bracelets de fleurs et il se dégageait de cet ensemble rose et vert une harmonie totale. Il se tenait droit avec cette rigueur que la danse impose et personne ne pouvait rester indifférent face à ce corps fin mais ferme, à cette musculature de danseur qui était le fruit de longs exercices et à ce port de tête si significatif d'un être plein de distinction. Et il avait des chaussons de danse. Mills, hors champ, donnait des conseils à ce danseur à qui le monde du cinéma était inconnu. Erik les recevait avec humilité mais semblait sûr de lui. Pourtant, peu après, sa fragilité parut. Que craignait-il ? Qu'on se contentât de le prendre pour un joli jeune homme ? C'était impossible. Qu'on ne comprît pas qu'il montrait la beauté ? C'était plausible mais encore peu recevable. Alors qu'y avait-il ? Wegwood n’avait pas de réponse et se contenta de le regarder longuement. Cela parut suffire. Tandis qu'il se plaçait face à la caméra avec sa danseuse, il parut en lutte avec lui-même. Lentement l'inquiétude recula et il ne resta plus que l'esprit de la fleur, son essence, sa beauté diffuse. Il fit un signe de tête. Mills vérifia le cadrage. Seul Erik semblait lui importer. Les danseurs disparurent de nouveau. Mills voulait filmer l’intégrale d’un ballet magique : ils allaient la lui donner.

La scène était vide et peu éclairée. Il y avait deux grandes fenêtres latérales, un canapé près de la fenêtre de droite et un grand fauteuil au centre de la scène. C'était conforme à Bakst. Adelia, la ballerine entra par le côté gauche. Elle portait une longue robe de ballerine, toute blanche et un manteau mauve et blanc. Bakst toujours. Et elle avait une très jolie coiffe de dentelle. A son corsage, une rose.

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Moi, je sais d'où souffle le vent. Ecrits sur la danse.
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